La Saison 10 est lancée et comme premier événement du « Cycle Simone Luciani », nous avons joué à Nucleum, un jeu de… Simone Luciani et Dávid Turczi, francisé par Intrafin. Je peux vous dire que ça ne rigole pas. Je peux vous dire qu’on s’est accroché pour jouer à ce jeu exigeant. Très exigeant. De quoi ça parle ?

Lorsque Elsa von Frühlingfeld (personnage fictif) dévoila son invention au roi Frédéric-Auguste II de Saxe (personnage historique), beaucoup crurent à une farce. Contre toute attente, elle parvint à utiliser de l’uranium récemment isolé pour chauffer un bocal d’eau, et transforma la vapeur en une force motrice qui maintenait l’uranium actif grâce à un procédé qu’elle nomma « atomisation ». Son dispositif révolutionnaire, le Nucleum, marqua le début d’une nouvelle ère d’énergie et de prospérité, propulsant la Saxe d’une modeste puissance régionale au cœur battant de la science et de l’ingénierie européennes.
Oui, Nucleum est un jeu de stratégie expert où chaque décision exigeante contribue à bâtir un réseau énergétique parfait, alliant complexité et satisfaction dans la gestion de ressources et d’infrastructures. Venez découvrir ça…

C’est quoi ?
L’héritage d’Elsa continue de façonner le monde. Les usines, insatiables, exigent toujours plus d’énergie, conduisant à la construction de Nucleum’s plus puissants, à l’importation massive d’uranium depuis la Bohême voisine, et à l’établissement de vastes réseaux ferroviaires et électriques pour transporter cette énergie atomique vers les grandes villes de Saxe. La cour saxonne est désormais un aimant pour les inventeurs, ingénieurs, et industriels, tous en compétition pour prendre les rênes de cette révolution industrielle qui redessine l’avenir.

Comment ?
La mécanique du jeu est relativement simple, à savoir qu’à son tour, on choisit entre 3 actions différentes :
- Jouer une tuile action : en choisissant une tuile et en appliquant les une ou deux actions présentes dessus, jouées dans l’ordre que l’on souhaite. Ces actions sont :
- Urbaniser : permet de construire un bâtiment urbain parmi les 3 types de tuiles (résidentiel, industriel ou laboratoire). Les meilleurs de ces bâtiments comptent également comme des bâtiments gouvernementaux.
- Industrialiser : permet de construire une mine ou une turbine. Les mines génèrent de l’uranium et les turbines permettent de transporter l’électricité produite par l’uranium vers des bâtiments.
- Contrat : permet de choisir un nouveau contrat et de le positionner sur le plateau joueur individuel. Chaque nouveau contrat apporte un bonus de pose mais doit être complètement résolu pour être enlever et libérer ainsi la place à un autre contrat.
- Alimenter : permet d’éclairer des bâtiments personnels ou neutres. Il faut choisir une centrale, l’alimenter par charbon ou par uranium et s’assurer que le courant (qui passe le long des rails construits) arrive bien au bâtiment à éclairer.
- Développer : permet d’acheter de nouvelles tuiles actions, plus fortes, plus jolies, précieuses !
- Poser un rail : en choisissant une tuile action et avec un ouvrier disponible, on peut construire un rail de chemin de fer absolument là où on le souhaite. Pas de blocage dans ce jeu 😉
- Recharger : Quand on a plus de tuiles actions ou lorsqu’on le décide, on peut recharger en récupérant toutes nos tuiles actions, prendre nos revenus et poser des marqueurs jalons en fonction de nos réalisations.

Les réalisations, késako ? Ce ne sont pas des points de victoire mais des aboutissements d’actions d’illumination des bâtiments. On peut aussi en gagner avec des tuiles actions ou avec des arbres de technologies. Ces réalisations sont représentées par des étoiles et elles seront utilisées à chaque recharge, permettant de poser un marqueur jalon dans la piste des jalons. Ces marqueurs permettront de marquer des points en fin de partie. Autre point important du jeu : il existe des pistes de revenus que l’on peut améliorer tout au long de la partie et que l’on touche à chaque recharge. Voilà pour l’explication sommaire des règles, que vous pouvez d’ailleurs facilement trouver sur le net (mais en anglais).

Les tours vont se succéder jusqu’à ce que 2 conditions de fin de partie (sur 5) soient obtenues (pour les parties de 3 ou 4 joueurs). Ces conditions sont :
- Les pioches de tuiles actions sont vides.
- Les deux pioches de contrats (argent et or) sont vides.
- Tous les joueurs ont rechargé 3 fois.
- Un ou plusieurs joueurs ont débloqué leurs 8 technologies.
- Un ou plusieurs joueurs ont atteint 70 PV.
A ce moment de la partie, on termine le tour en cours et chaque joueur joue encore une fois. Ça promet des fins de parties pouvant générer de la frustration. A la fin, on procède au décompte final avec plusieurs paramètres et sera désigné vainqueur celui qui aura le plus de points de victoire.
Et alors ?
Je vous avais prévenu, la saison 10 serait impitoyable. La saison 10 serait experte. La saison 10 serait rude. Et tel son commencement fut.
3 joueurs (seulement) pour cette première partie. Minh en rouge. Tchi en bleu. Bob en jaune.

Comme personne ne connaissait le jeu, les premiers tours furent clairement joués dans un certain brouillard…
Comment le mieux démarrer ? Est-ce plus important d’industrialiser ou plutôt de construire des bâtiments ? Quand vont se déclencher les conditions de fin de partie ? Aurais-je le temps de développer mon jeu ou est-ce une course ?

La première vraie décision qui allait conditionner une bonne partie du jeu a été l’emplacement de départ. Minh a pris la décision de positionner une turbine à Grimma. Le choix de la ville n’était pas un hasard, la seule centrale électrique possédant un Nucleum s’y trouvait. Tchi s’installa avec Minh en jouant la carte de la sécurité. Et oui, plus il y a de turbines présents, plus d’uranium ils pourront transporter à terme. Mais Bob alla s’isoler du côté de Zittau, à l’autre bout de la carte. On y trouvait une centrale électrique classique, en attente d’un précieux Nucleum. Le premier objectif de Bob était tracé.

La partie a été dirigée en partie par les arbres de technologies de départ qui, je le rappelle, sont asymétriques. Minh était un poseur de rails. Bob, un magnat de l’industrie et surtout de l’uranium en abondance. Enfin Tchi, un « illuminé » par ses compétences à sublimer la lumière partout où il passe. La partie a également été orientée par l’objectif de départ, mais également par les nombreux qui ont suivi. On a beau être dirigé et orienté, il faut faire des choix et il faut prendre des décisions. Tel est le crédo des jeux experts. Et Nucleum en est un. Et nous avons basculé dans l’analysis paralysis… La partie a duré environ 4 heures (sans les règles). 1 heure et 20 minutes par joueur. C’est beaucoup, c’est long. Mais quel plaisir pendant la partie ! A aucun moment le temps n’a semblé trop long (peut-être bien quand même une fois ou deux…) et pendant qu’un joueur réfléchissait sur son jeu, les autres faisaient pareil. Il y a bien un côté « tête dans le guidon » dans ce jeu, du moins à la première partie, et cela n’a pas dérangé.

A noter que je conseille fortement ce jeu à 3 joueurs pour justement sa durée. Mais pourquoi d’ailleurs ?
- Fluidité du jeu : Avec trois joueurs, les tours s’enchaînent plus rapidement, ce qui maintient un bon rythme et réduit les temps morts. Cela permet à chacun de rester concentré et engagé, évitant l’effet d’attente prolongée souvent présent avec quatre joueurs.
- Complexité stratégique : À trois, le jeu conserve une complexité stratégique élevée sans basculer dans un chaos trop difficile à gérer. Les interactions entre joueurs sont nombreuses, mais il reste plus facile de suivre les actions adverses et de planifier ses propres mouvements, ce qui est essentiel dans ce jeu aux multiples possibilités.
- Durée de la partie : Les jeux de société experts ont souvent des parties (très) longues. À quatre, la durée peut s’étendre de manière significative, ce qui peut être fatigant et diluer l’expérience. À trois, la partie reste plus gérable en termes de temps tout en conservant une profondeur stratégique satisfaisante.
Revenons à Nucleum et à la partie. Alors que Tchi prit possession de la prospère ville de Leipzig, Minh s’aventura en terres inconnues vers le sud-est, développant son réseau ferroviaire à outrance. Il y eut bien quelques frictions entre eux au moment de chercher des emplacements de mines, mais rien qui a conditionné de manière négative la partie de l’un ou l’autre. Le jeu est exigeant mais n’est pas punitif. On ne va pas se retrouver bloqué pour des histoires de rails (je pense clairement à Brass Birmingham, mais quelle horreur). Bob s’est lui amusé à tisser une toile de rails la plus large possible, laissant par-ci par-là des mines, turbines ou bâtiments, qu’il s’empressait d’éclairer le plus vite possible. Cette stratégie paya car, en effectuant une recharge bien positionnée en terme de jalon, il récupéra le précieux Nucleum et le positionna sur Zittau. L’empire électrique à base d’uranium venait d’exploser dans la Saxe orientale. Plus jamais cette région ne se retrouverait dans la pénombre.

Tchi développa ses bâtiments comme personne. Sa capacité à les illuminer et à en tirer de substantiels avantages le firent galoper en tête. Mais il n’était pas seul car Bob chevauchait avec lui, tirant profit de l’énergie pas chère qu’il était en mesure d’acheter et de produire. Minh était plus en mode diesel, attendant de faire chauffer sa « stratégie » avant qu’elle ne se déploie. Les tactiques de chacun furent réparties en 2 clans : le clan des nombreuses recharges pratiquées par Tchi (4 en tout sur la partie) sans poser trop de rails, et le clan des nombreux rails et des tirages en longueur des tuiles d’action par Minh et Bob (seules 2 recharges chacun).

Et soudain, la première condition de fin de partie tomba. Rappel : à 3 joueurs, il en faut 2 pour clore le jeu. Tout le monde se regardait d’un coin des yeux. Il ne fallait plus grand chose pour que la partie s’arrête car à la prochaine action de développement, la partie prendrait fin. Bob se décomposa intérieurement, il avait fait une erreur car il ne possédait plus de tuiles pour urbaniser et il devait forcément construire pour réussir son objectif principal de technologie. Il réfléchit (longuement) et aborda une manœuvre d’industrialisation, d’alimentation et d’urbanisation (grâce à la sainte tuile d’action bonus). Il pria pour que personne ne mette fin à la partie trop vite. Mais Tchi en décida autrement. Il conclut la partie à son avantage, laissant Bob et Minh au dépourvu. Oui, c’est aussi une course.

Verdict final :
- Minh : 8 rails posés, 7 bâtiments construits dont 5 éclairés, 3 turbines et 2 mines exploitées, 7 technologies réalisées et 2 pistes de revenus au maximum. Total 135 points. 3ème place.
- Tchi : 4 rails posées, 8 bâtiments construits dont 6 éclairés, 4 turbines et 2 mines exploitées, 7 technologies réalisées et 2 pistes de revenus au maximum. Total 138 points. 2ème place.
- Bob : 8 rails posées, 5 bâtiments construits tous éclairés, 4 turbines et 4 mines exploitées, 6 technologies réalisées et aucune piste de revenus au maximum. Total 167 points. 1ère place.
Et qu’en pensent les autres joueurs ?
Tchi
Encore un jeu bien foutu ! Sur le papier, j'avais des interrogations : plateau biscornu, factions asymétriques (quand c'est mal fait, ça oblige à suivre une autoroute déjà tracée pour gagner), thème moyennement sexy...
Et au final, l'expérience de jeu est positive. Le jeu est fluide, laisse un très grand nombre de choix et est peu punitif. Le décompte final qui met en jeu un grand nombre de point fait que l'on ne sait pas si on est largué ou pas pendant la partie, ce qui nous aide à rester dedans (rien de plus déprimant qu'un jeu ou tu te rends compte à la moitié que tu n'as aucune chance de rattraper le joueur en tête). Bref, si j'ai fini largement derrière le vainqueur, j'ai passé un très bon moment.
A rejouer au plus vite, si possible avec les mêmes joueurs parce que l'échelle de progression semble assez raide quand même. N'ayant joué qu'une seule partie, donc une seule faction, je ne me rends pas compte si l'asymétrie est trop prononcée ou non. Quant à la rejouabilité, il semblerait que le nombre de setup différents proposés par les auteurs permettent vraiment une variété de parties. Peut-être le plus gros défaut. un peu inhérent à ce genre d'eurogames : je ne me suis pas senti transporté par le thème. Je ne me suis pas senti un baron de l'industrie, mais plutôt une tacticien qui cherche à maximiser la rentabilité de chacune de ses actions.
Et qu’en pense le RESTE DU MONDE ?

Sur BGG, c’est une 226ème place mondiale. J’ai presque envie de dire : quoi ?! seulement ?! En même temps, pour un jeu qui affiche un « poids » de 4.12 sur 5, il faut avouer que ça ne doit pas motiver les casual gamers. Ce jeu, c’est du poids lourd. Aucun doute.
Conclusion
Nucleum est un excellent jeu. Il offre une profondeur stratégique riche, où chaque décision a un impact important sur l’issue de la partie. Les joueurs doivent planifier leurs actions avec soin, tout en gardant un œil sur les adversaires et en optimisant leurs ressources, ce qui rend le jeu intellectuellement stimulant. Le thème, centré sur l’essor de l’énergie nucléaire dans une Europe alternative, est bien intégré aux mécaniques de jeu, ce qui renforce l’immersion et donne un sens à chaque action.

Les interactions entre joueurs sont constantes et variées, ajoutant une tension dynamique qui maintient l’intérêt tout au long de la partie. Il y a un équilibre subtil entre la compétition pour les objectifs et les « territoires », ainsi que la nécessité de cohabiter ou de partager certaines infrastructures. Cette dualité enrichit l’expérience de jeu et offre des stratégies diverses à explorer. Tout ça font de Nucleum un jeu captivant, réussi et abouti. Franchement bravo ! Vivement la prochaine partie.
Et à bientôt !
Daniel aka Bob
(l’article vous a plus, ou pas, donnez votre avis ci-dessous avec les pouces)
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