Une histoire « Dungeons & Dragons » contée par Raphaël, éminent membre de la Bob’s Team, merci à lui.
Et oui, c’est bien le récit complet d’un véritable scénario du jeu de rôle DD5… Bonne lecture !
Ou comment survivre (par miracle) à une Citadelle Enténébrée quand on est un âne lucide entouré d’incapables…
Bourricot, c’est mon nom. Depuis trois ans, j’accompagne mon maître en tout temps et en tout lieu. À tel point que je lui ai même partiellement transmis mon nom : Asgeir Bourrique d’Acier. Ce nom lui va comme un gant. En effet, on dit les ânes têtus, je ne fais pas exception à la règle, mais je vous jure que ce n’est rien comparé à mon maître. En trois années, pas une fois je n’ai eu le loisir de choisir le moment du départ ou la prochaine destination. Certains bons maîtres utilisent une carotte pour nous faire avancer, d’autres, moins bons, le bâton. Mon maître, lui, se contente de partir en tenant la corde qui me lie à lui… et là, pas le choix, j’avance, car le maître est une véritable force de la nature. Tous les nains le sont, mais lui, même pour sa race, est d’une vigueur remarquable.

Trois années que nous parcourons les routes de temple en temple. J’aime le soleil, pas lui. Alors souvent, comme actuellement, on voyage en plein orage. Seul moment où un semblant de bonne humeur transparaît sur son visage. Peut-être que tous les clercs de la tempête sont comme lui, je ne sais pas…
Je n’en peux plus de marcher sous cette pluie, mais ce qui me rassure, c’est que dans quelques heures nous allons pouvoir dormir dans un endroit chaud. Mon maître revient dans son pays natal rendre visite à un vieil ami. Ils sont partis il y a quelques années de leur terre natale pour aller se former chacun de leur côté et vont se retrouver. Je n’arrive pas à croire que des représentants de races aussi différentes puissent se lier d’amitié, et pourtant… Allez, plus bien longtemps maintenant. Je vois les lumières au loin. Une bonne étable m’attend, et la fin de ce cliquetis insupportable de l’armure de mon maître…
Jour 1 : Retrouvailles
Alors que je commençais à être bien trempé, nous sommes enfin arrivés à l’auberge. Quel plaisir d’avoir de la bonne paille pour couche et du bon foin à manger. Mon maître, lui, retrouva son ami d’enfance : Kael. Une sorte de bipède avec une tête de dragon. Sûrement un bâtard de ces créatures quelque peu prétentieuses que l’on nomme dragons. Tous n’ont pas la chance d’être de sang pur d’âne, créature à proprement parler fabuleuse dont je suis un modeste représentant.
Mon maître et son ami, conformément à une tradition propre à leurs modestes races, ont donc fêté leurs retrouvailles avec force victuailles et boissons. Là, quasiment ivres morts, ils se sont rappelé une lubie de jeunesse : devenir de grands aventuriers et aller explorer la citadelle enténébrée à Hotnow. J’ai beaucoup ri… jusqu’au lendemain matin où nous sommes effectivement partis en direction de ce village…
Jour 2 : Oasis de confort – problème en vue
Arrivés dans le petit village de Hotnow, nous nous sommes installés à la seule auberge du bled. Encore mieux que la nuit précédente. De la paille meilleure et du foin de meilleure qualité. Le garçon d’écurie m’a fait un petit massage revigorant. J’en avais bien besoin, car vous imaginez bien que ce n’est pas mon maître qui allait transporter tout le nécessaire. Il avait tout oublié : les casseroles, la tente, les sacs de couchage, les provisions, … tout ! Pour ça que j’ai dû tout porter, comme d’habitude…
Les deux lascars ont rencontré un pouilleux du coin : Rapé… et bah, il aurait dû s’appeler Raté, car cet abruti a conforté mes deux innocents à poursuivre leur périple. Pire, il a même mentionné un mystérieux culte du dragon… Et vous devez savoir que, de la même façon que lorsqu’on lance un bâton, le chien, animal simple, le ramène, lorsque l’on parle de dragon à un endroit, le drakéide (c’est la race du bipède ami de mon maître), lui, fonce ! C’est E.T. retour maison en bien plus con ! Pauvre de nous…
Jour 3 : Matin
Toc ! Toc ! Toc ! Ici les pieds nickelés.
Alors nous sommes repartis. Avant cela, le maître, bougon, m’a moins chargé que hier. Il faut dire que je n’ai pas mentionné tout ce qu’il oubliait, cela me permettait d’être moins chargé et je ne pensais pas que l’on en aurait pour longtemps. Pendant que je m’apprêtais donc, Kael, lui, alla se faire confirmer qu’une bande de sans-cerveau priait bien un illustre dragon qui devait être, dans ses rêves les plus fous, un ancêtre à lui… l’éternel espoir des bâtards orphelins… Pauvre rejeton…
À peine partis donc, nous avons rencontré la matriarche d’Ukrel qui nous interpella au sujet de deux membres de sa famille, un guerrier et un magicien, qui étaient partis explorer la citadelle de l’ancêtre du bipède à tête de dragon et qui ne sont jamais revenus. Ils étaient accompagnés d’un paladin et d’un rôdeur. Nous avons donc quatre aventuriers qui ne sont jamais revenus de la citadelle enténébrée… N’importe qui avec deux de Q.I. aurait fait immédiatement demi-tour ! Ben… pas mes deux loustics… Entre mon maître et sa tête de mule, et Kael et son bâton en vue (cf. explication jour 2), eh bien non seulement ils ont été plus motivés, mais en plus ils ont promis à la matriarche de faire leur possible pour lui ramener les membres de sa famille !
Déjà là, cette expédition, je ne la sentais pas…
Après même pas une heure de marche, alors que je me tenais un peu à l’arrière, car je voulais protéger mes oreilles du cliquetis insupportable de l’armure du maître, celui-ci, je ne sais pas trop comment, se coinça dans un buisson. La dextérité n’est pas la principale qualité des nains… Kael, voulant l’aider, essaya de brûler le méchant buisson ! Et voilà même que les deux amis se lancèrent dans un combat imaginaire contre quatre petits buissons ! J’ai ri ! Mais j’ai ri ! Heureusement, malgré l’inexpérience des deux amis, seuls ces quatre pauvres petits buissons ont fini carbonisés. La forêt, elle, a échappé à un désastre…
Arrivés à destination, nos deux amis descendirent vers la citadelle. Non contents de leur « exploit » contre les buissons, Kael carbonisa trois petits mulots qui passaient par là…
Je n’avais pas fini de rire…
En effet, il faut savoir que les nains, mis à part leur force et leur constitution, sont à peu près nuls en tout. Par exemple, incapables de voir où ils mettent leurs pieds, pourtant pas très éloignés de leurs yeux. Et donc, alors qu’il avançait sur une petite place, mon maître disparut par une trappe dans le sol ! Heureusement qu’il a hurlé de douleur en tombant, cela a empêché les deux compères de m’entendre rire.

Et évidemment, pas très grand qu’est le maître, il a fallu que Kael le sorte de là. Je suis formel : au bout d’une corde, un nain n’a pas la prestance d’un âne. Ma vision se troublait par mes larmes tellement je riais. Je ne sais pas ce qu’ils se sont dit, mais à peine le maître sorti de ce trou que Kael y descendait de sa propre volonté ! Incompréhensible ! L’appel des vieux de tête de dragon !
Le bâtard de dragon ne devait pas avoir la sagesse que l’on prête à ses illustres ancêtres, car il se retrouva bloqué dans je ne sais pas trop quel orifice. Alors le maître plongea dans le trou. Oui, vous avez bien lu : plongea… tête la première, l’abruti ! Il avait oublié qu’il n’y avait jamais eu d’eau au fond… Et forcément, une tête de nain, même dure, plantée dans le sol, cela doit être douloureux… Bref, pour décoincer son ami, mon maître fit preuve de tout le doigté dont sait faire preuve le peuple des nains : en force ! Et tel un bouchon de champagne, la tête de dragon se retrouva de l’autre côté de l’orifice et put actionner la poignée de la porte pour ouvrir au maître. Ils étaient entrés…
Alors qu’ils s’étaient enfin remis de leurs exploits contre les buissons et les trappes mal placées, mes deux aventuriers de pacotille se mirent en quête d’un semblant de stratégie.
« Écoute derrière la porte », dit Kael au maître.
Oui, c’était une bonne idée… en théorie.
Le problème avec les nains, c’est que leur tête est dure, mais pas toujours bien protégée. Mon maître, qui n’a jamais été un modèle de délicatesse, colla donc son oreille contre la porte en bois moisi. Enfin… « colla » est un bien grand mot. Il y alla franchement, comme s’il voulait lui faire un câlin à pleine vitesse. Un grincement sinistre résonna, suivi d’un « Par la barbe de Moradin, ça pique ! »
Il recula en grognant, et là, je vis l’objet du crime : une belle écharde, bien plantée dans son oreille poilue. Une écharde de la taille d’un cure-dent. Il tenta de la retirer avec ses doigts épais, mais ce fut un échec. Kael proposa d’aider, mais vu son historique en matière de délicatesse, le maître refusa net.
« Tant pis ! » dit-il en grommelant. « J’écoute avec l’autre oreille ! »
Je crois bien que la porte, lasse de leur bêtise, décida elle-même de s’ouvrir sous leur poids. Et alors que j’étouffais un fou rire, un bruit ignoble surgit de l’obscurité : grrrrrrrrskrrrkrrr.
Un rat. Non. Pire. Un rat géant. Une monstruosité poilue, de la taille d’un chien, et visiblement affamée. Kael, fidèle à son habitude d’allumer tout ce qui bouge, leva la main, prêt à carboniser la bestiole. Mais le rat, qui n’avait visiblement pas envie de finir en ragoût, bondit sur lui avec un cri strident.
La scène qui suivit fut un ballet d’inepties. Kael battait l’air en hurlant, le rat s’accrochait à son bras en le mordillant, et le maître, toujours occupé avec son écharde, essayait vaguement de donner des coups de marteau à la créature sans assommer son ami au passage.
Finalement, Kael se souvint qu’il avait des griffes. Dans un éclair de lucidité, il embrocha la bête d’un coup net. Le rat poussa un dernier cri et s’effondra, raide mort.
Mon maître, observant la scène, haussa les épaules. « Bon, au moins, on a de quoi manger ce soir. »
Je crois que je vais vomir.

Jour 3, encore (parce que ces deux idiots ne s’arrêtent jamais)
Un Kobold en panique, une cheffe pleine d’autorité et une mission qui sent le traquenard
Après avoir massacré un rat mutant dans une démonstration d’incompétence impressionnante, mon maître et son comparse décidèrent qu’il était temps d’explorer une nouvelle pièce.
Et là, au milieu des vieilles pierres et des relents de renfermé, ils tombèrent sur une étrange créature.
Un Kobold. Une petite chose écailleuse, les yeux exorbités de terreur, attachée par des chaînes rouillées. Il se débattait comme un poisson hors de l’eau, poussant des petits cris paniqués à la vue de Kael. Logique. Kael ressemble à un dragon, et de toute évidence, ce Kobold devait le prendre pour un cousin éloigné en mode psychopathe.
« Pitié, pitié, pas la flamme ! Milo veut pas finir rôti ! » pleurnicha la bestiole en tirant sur ses chaînes.
Asgeir, qui était en pleine extraction manuelle de son écharde d’oreille (procédé plus douloureux que subtil), haussa un sourcil.
« On le libère ou on le laisse mariner encore un peu ? » demanda t il à Kael, avec son éternelle sensibilité naine. Kael, lui, gonfla le torse.
« Nous ne sommes pas des monstres ! Allons, petit frère d’écailles, tu es libre ! »
Et sans attendre, il trancha les chaînes d’un coup d’épée, manquant au passage de trancher la queue du pauvre Milo.
Le Kobold, après avoir reculé d’un bond, sembla hésiter… puis, voyant que ni Asgeir ni Kael ne tentaient de le boulotter, il se redressa fièrement.
« Milo vous guidera ! Oui, oui ! Milo connaît chemin ! Vous venez voir Yusdrail ? Grande cheffe Kobold ! Puissante et sage ! Vous suivez Milo ! »

Les voilà donc en train de suivre une mini créature surexcitée dans un dédale de couloirs moisis. Kael marchait d’un pas fier, Asgeir semblait se demander combien valait un Kobold sur le marché des bestiaux, et moi… je me contentais de soupirer…
Ils arrivèrent dans une salle qui, pour une tribu de Kobolds, avait un certain cachet. Des bannières rudimentaires, des petits trônes en bois bancals et une dizaine de Kobolds qui fixaient Kael avec une déférence exagérée. Et là, Yusdrail, la cheffe, se leva et posa son regard perçant sur Kael. C’est à ce moment là que notre cher drakéide décida d’entrer en mode « Kaellard le Magnifique ».
Il se redressa, bomba le torse et déclama en draconique, d’une voix forte et théâtrale :
« Ô nobles enfants des dragons, moi, Kaellard le Magnifique, héritier du feu et du tonnerre, porteur de la grande destinée des drakéides, viens à vous en quête de gloire et d’honneur ! »
Silence.
Les Kobolds clignèrent des yeux. Asgeir leva les yeux au ciel.
Finalement, Yusdrail hocha lentement la tête, l’air vaguement impressionnée, ou juste polie.
« C’est… inspirant, oui. » Elle fit un signe de la main. « Bien. Si vous êtes là, c’est que vous voulez savoir ce qu’il est advenu de quatre aventuriers. »
Ah, enfin, du concret.
« Il y a quelques jours, quatre étrangers sont passés ici. Ils étaient en quête d’un bébé dragon, capturé par ces sales Gobelinssss. » Elle cracha presque le dernier mot avec dégoût.
Un frisson parcourut les rangs des Kobolds. Clairement, parler des Gobelins était aussi agréable pour eux que de mâcher du gravier. Kael, toujours dans son rôle, croisa les bras.
« Un bébé dragon, dites vous ? Quelle tragédie ! Quelle insulte envers notre noble lignée ! Je jure devant les anciens dragons de lui rendre sa liberté ! »
Asgeir toussota.
« Oui, oui. Moi, ce que j’entends, c’est qu’il y a quatre aventuriers qui ont disparu là dedans. On les ramène, on obtient une belle récompense, et tout le monde est content. »
Yusdrail haussa un sourcil, sceptique.
« Vous êtes courageux, je vous l’accorde. Mais nous, les Kobolds, nous ne mettons jamais les pieds dans le territoire des Gobelins. C’est une règle. »
Milo, qui s’était fait tout petit jusque là, baissa la tête.
Yusdrail lui jeta un regard appuyé.
« …Sauf pour lui. Lui a échoué à protéger le dragon. Il a perdu notre trésor. Et en punition, il vous conduira jusqu’aux Gobelins. »
Milo blêmit.
Asgeir haussa les épaules.
« Ça me va. On a un guide, et en bonus, on n’aura pas à chercher notre chemin en tournant en rond pendant trois jours. »
Kael, lui, posa une main héroïque sur l’épaule du petit Kobold.
« N’aie crainte, frère d’écailles ! Sous ma protection, tu seras en sécurité ! »
Milo émit un rire nerveux.
Moi, j’aurais parié tout mon foin que ce pauvre Kobold allait finir, au mieux, brûlé, au pire, dévoré par un Gobelin. Et c’est ainsi qu’ils partirent, guidés par un Kobold tremblotant, en direction de la colonie des Gobelins, prêts à affronter l’inconnu… et surtout l’incompétence.
Mission « Discrétion » (Spoiler : Échec Critique)
Asgeir et Kael pénétrèrent en territoire gobelin, guidés par Milo, un Kobold qui semblait plus près de l’attaque de panique que du guerrier accompli.
L’ambiance changea immédiatement : tunnels crasseux, murs dégoulinants, odeurs immondes. On se serait cru dans l’estomac d’un troll enrhumé. Au détour d’un couloir, ils tombèrent sur une salle éclairée par des torches vacillantes. Quatre Gobelins étaient attablés, festoyant comme des porcs en rut. Les assiettes étaient pleines d’un ragoût douteux, qu’ils mangeaient avec les mains, les pieds, et parfois même la langue. C’était un spectacle écœurant. Asgeir plissa les yeux. Kael eut un sourire carnassier. Une attaque furtive s’imposait. Ils avancèrent silencieusement.
Enfin… presque.
J’observai la scène avec méfiance. Tout se passait trop bien. Et puis…
CRAC.
Milo, ce génie absolu, écrasa le pied d’Asgeir. Le nain se figea. Un silence angoissant s’abattit sur la pièce. Puis…
L’Explosion Sonore.
« ESPÈCE DE LÉZARD MAL CHAUFFÉ, TU VIENS DE SIGNER NOTRE ARRÊT DE MORT, IMBÉCILE !!! »

Le hurlement du nain résonna dans tout le donjon. Les Gobelins s’arrêtèrent net, un bout de viande entre les dents.
Regard interloqué.
Kael ferma les yeux. Je devinais qu’il comptait jusqu’à dix pour éviter d’étrangler Asgeir et Milo sur place. Les Gobelins se levèrent, dégainant leurs armes.
Kael n’hésita pas une seconde. Il inspira profondément, et d’un coup…
FWOOOOOSH !
Un cône de flammes jaillit de sa bouche, embrasant la pièce entière. Le premier Gobelin explosa dans une gerbe de feu. Le deuxième tenta de fuir, mais ses pieds fondirent avant qu’il puisse atteindre la sortie. Le troisième leva un bouclier en bois… et devint un chandelier vivant. Le dernier, plus malin, plongea dans une marmite. L’eau était bouillante. Il cessa d’être malin.
Le Bilan : Un Dîner Raté et un Drakéide K.O. La fumée envahit la salle, et une odeur de viande grillée s’éleva. Un détail important : le souffle de feu, ça épuise. Kael vacilla, toussa, et manqua de s’écrouler.
Asgeir haussa un sourcil, s’approcha et posa une main sur son ami.
« Bouge pas, sac à écailles. »
Un instant plus tard, une douce lueur dorée entoura Kael. Ses forces lui revinrent immédiatement.
Milo, tremblant de tous ses petits os, regarda autour de lui. « Vous êtes fous… Complètement fous ! »
Je hennissai dans mon coin. Bienvenue dans le club, petit. Et dire que ce n’était que le début…+

Jour 4 : Minuit, la Finesse Naine en Action
Le Stand de Tir et la Vague Tonitruante
Toujours invisible et omniscient, j’assistais à la suite des mésaventures de mes deux aventuriers préférés.
Après avoir réduit quelques gobelins en charbon, voilà qu’ils s’enfonçaient plus profondément dans ce labyrinthe infâme. Ils arrivèrent dans une grande salle étrange, alignée de cibles criblées de flèches, avec des mannequins grotesques servant probablement à l’entraînement des gobelins. Trois des petites vermines étaient justement en train de s’amuser à tirer sur des cibles en forme de nain. Charmant. Asgeir, ne supportant pas la moquerie, sauf quand c’est lui qui la fait, bien sûr, décida de leur rendre la politesse à sa façon. Il s’avança, leva son bouclier et, d’un hurlement qui aurait fait trembler une montagne, frappa le sol de toutes ses forces.
BOUUUM !!!
Une onde de choc monstrueuse explosa autour de lui. Les gobelins furent littéralement projetés contre les murs, leurs arcs volant dans tous les sens. Le premier percuta une colonne et s’y encastra comme un tableau de mauvais goût. Le deuxième traversa la pièce, rebondit sur un mannequin et s’écrasa dans un tas de flèches. Le troisième… disons simplement qu’il a rencontré un mur d’un peu trop près.
Silence total.
Puis Kael lâcha un ricanement.
« Impressionnant. »
Asgeir haussa les épaules.
« Je fais ce que je peux. »
Dans un coin de la pièce, trois Kobolds enchaînés fixaient la scène, les yeux écarquillés. Milo bondit vers eux.
« Mes frères ! Vous êtes sauvés ! »
Pendant qu’il s’occupait de les détacher, Kael s’intéressa à un étrange mécanisme métallique fixé au mur. Il fronça les sourcils.
« Ça doit être une alarme… »
Puis, par une inspiration dont seul un esprit draconique dénué de bon sens est capable… il appuya dessus.
DRIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIING !!!
Un hurlement strident résonna dans tout le donjon. Je m’effondrai de rire. Il a sonné l’alarme. Volontairement ! Asgeir le foudroya du regard. Kael haussa les épaules.
« Elle ne risque plus de sonner maintenant. »
L’envie d’abandonner tout espoir se lisait sur le visage du nain.
« Viens, imbécile, avant qu’on ne se fasse encercler… »
En avançant vers la sortie, Asgeir mit le pied exactement où il ne fallait pas. Le sol s’ouvrit sous lui, et il disparut dans un trou noir. Le silence fut brisé par un hurlement furieux, suivi d’un bruit sourd de métal contre pierre. Quelques secondes plus tard, Asgeir réapparut, couvert de poussière et de colère. Il tira sur sa barbe, pesta, fit briller une lumière sacrée sur lui même et soigna ses égratignures.
Kael ricana.
Le regard assassin qu’Asgeir lui lança aurait suffi à tuer un troll.
« Un mot, et je te jette dans le piège. »
Kael ferma prudemment la bouche.
Tout le monde repartit en silence.
11e Porte : Un Dîner Raté et un Rat Mort
En ouvrant la 11e porte, ils tombèrent nez à nez avec un nid de rats géants. Quatre immondes créatures aux crocs dégoulinants de bave leur firent face. Kael réagit en premier.
D’un geste fluide, il tendit la main et lança deux éclairs qui fendirent l’air. Le premier rat explosa littéralement, réduisant le sol en une bouillie de chair fumante. Les trois autres bondirent en avant. Kael dégaina son bâton. Le premier rat s’effondra, le crâne enfoncé. Le deuxième partit en vrille avant d’atterrir sur le dos, raide mort. Le dernier, voyant ses camarades se faire littéralement broyer, prit la meilleure décision de sa misérable existence.
Il fuit.
Les aventuriers fouillèrent la pièce, trouvant quelques objets d’intérêt. Asgeir ouvrit une porte poussiéreuse… et tomba nez à nez avec le rat en fuite. Un instant de flottement. Le rat, paralysé. Asgeir, blasé. Un simple coup de bouclier plus tard, le rat n’était plus.
Kael souffla.
« Eh ben, au moins, c’est propre. »
Asgeir rangea son arme.
« Quand on fait le travail, on le fait bien. »
Encore une pièce vidée. Encore un peu plus de chaos. Et moi ? Moi, j’attendais la prochaine catastrophe.

Jour 4 : 14 heures, Le Repos du Juste… Et la Reprise des Ennuis
Après douze heures de repos bien méritées, Asgeir et Kael reprirent enfin la route.
Ils pénétrèrent dans une nouvelle salle et furent immédiatement accueillis par trois monstres immenses. Le premier, un rat géant difforme, plus massif qu’un cheval, trônait au centre de la pièce. Ses yeux rouges brillaient d’une intelligence perverse, et sa queue, aussi épaisse qu’un tronc d’arbre, fouettait l’air avec impatience. Derrière lui, deux autres rats géants, visiblement ses gardes du corps, léchaient leurs crocs jaunis en fixant les aventuriers avec une faim non dissimulée.
Un frisson me parcourut.
Ça allait mal finir.
Sans attendre, le BigBoss sauta en avant, toutes griffes dehors. Asgeir leva son bouclier et encaissa le coup de plein fouet, reculant sous l’impact. Kael, fidèle à lui même, lança immédiatement un éclair ardent qui frappa un des gardes rats en plein torse.
BOUM !
L’odeur de poils brûlés envahit la pièce. Le garde blessé poussa un cri strident et chargea. Asgeir engagea l’autre garde rat dans un duel brutal, son marteau s’abattant en grands arcs dévastateurs.
Mais alors que la bataille battait son plein… BigBoss décida de jouer salement.
Profitant d’un instant d’inattention d’Asgeir, la créature bondit sur lui et, d’un puissant coup de queue, le projeta dans une fosse béante qui s’ouvrait au centre de la pièce. Le silence tomba. Je crus qu’il était fini. Mais alors…
Ce que je vis dépassa toute logique. Un miracle inexplicable. Dans un exploit d’athlétisme divinement absurde, Asgeir prit appui sur la paroi de la fosse, se propulsa comme un diable, effectua un double salto arrière et atterrit de l’autre côté de la fosse, en position de combat. Même Kael resta sans voix.
BigBoss recula d’un pas.
Et Asgeir sourit.
« Mon tour. »
Le massacre commença.
Kael lâcha une gerbe de flammes qui enveloppa BigBoss. Le rat hurla, se tordant sous la chaleur, avant que Kael ne le transperce d’un coup de bâton foudroyant. BigBoss s’effondra, carbonisé.
Asgeir, de son côté, enfonça son marteau dans la gueule du premier garde rat, pulvérisant son crâne. Le dernier rat tenta de s’enfuir.
Erreur.
Asgeir l’attrapa par la queue, le souleva comme un sac de patates et l’écrasa violemment au sol. Fin du combat.
Kael croisa les bras.
« Je vais être honnête. Ce salto… c’était impressionnant. »
Asgeir haussa les épaules.
« Je fais ce que je peux. »
13e Porte…
Nouvelle salle, nouvelle ambiance.
Ici, cinq sarcophages de pierre trônaient dans une semi obscurité inquiétante. Asgeir fronça les sourcils.
« On touche à rien. »
Kael, naturellement, fit exactement le contraire. Je soupirai. Il posa la main sur un sarcophage. Et immédiatement, les couvercles commencèrent à trembler.
SCRAAAAAAP…

Les cinq sarcophages s’ouvrirent en même temps, révélant cinq squelettes aux orbites brillantes d’une lueur fantomatique. Kael recula d’un pas.
« Euh… oups ? »
Asgeir ferma les yeux et inspira très fort, comme un homme qui se retient d’étrangler son meilleur ami. Les squelettes attaquèrent.
Kael, fidèle à ses habitudes de pyromane, balança une boule de feu, transformant trois d’entre eux en un feu de joie improvisé.
Les deux derniers se jetèrent sur Asgeir, épées rouillées levées.
Vague tonnante.
Un choc sonore les projeta contre les murs où ils s’effondrèrent en petits morceaux.
Kael acheva le dernier d’un sort bien placé.
Le silence retomba.
Asgeir posa une main sur son visage.
Puis il fixa Kael.
« La prochaine fois, je t’attache les mains. »
Et ils repartirent.
Pendant que moi, fidèle observateur, je me demandais sincèrement combien de temps ces deux là allaient encore survivre.
Le Repos du Nain Imprudent
Après avoir pulvérisé des squelettes, explosé des rats géants et frôlé la mort à plusieurs reprises, Asgeir et Kael décidèrent qu’un bon repos était de rigueur.
La logique aurait voulu qu’ils montent la garde, mais visiblement la logique ne voyage pas avec eux. Ils s’installèrent donc dans un coin poussiéreux, calèrent leurs sacs contre le mur et s’endormirent comme deux enfants après un banquet.
Moi, j’observais la scène, impuissant. Aucun tour de garde. Pas même un piège rudimentaire. Je me frappais la tête contre le premier tronc venu… mon dieu qu’ils sont cons…
Le Réveil Musclé
Je ne saurais dire combien de temps ils dormirent, mais le réveil fut… brutal.
Deux silhouettes immondes s’étaient glissées dans la pièce : un gobelin malingre et nerveux, tenant une dague crasseuse, et un gobelour, son grand frère musclé, armé d’une massue aussi épaisse qu’un tronc d’arbre.
« Réveillez vous, les larves ! » cracha le gobelin en donnant un coup de pied dans le casque d’Asgeir.

Asgeir ouvrit un œil. Puis l’autre.
Kael fit de même, un peu plus lentement.
Le gobelour se mit à rire, un son guttural qui aurait pu faire fuir des corbeaux.
« On va s’amuser avec vous, les petits… »
C’était la phrase de trop.
Asgeir se redressa, les yeux injectés de sang.
« Toi… t’as osé me réveiller ? »
Le gobelour, confiant dans ses muscles, ne bougea pas. Mauvaise idée.
Le Déchaînement de Violence
Asgeir explosa de rage.
Le nain fonça tête baissée, bouclier en avant, et écrasa le gobelin contre le mur avec une violence qui me fit lever les sourcils. Le petit être poussa un cri pathétique, puis ne bougea plus.
Le gobelour, lui, hésita un instant. Juste assez pour qu’Asgeir lui envoie son marteau en plein genou.
CRAC !
Le monstre s’effondra, hurlant à pleins poumons.
« On fait moins le malin, hein ?! » rugit Asgeir, qui, visiblement, n’avait pas encore digéré l’affront du réveil brutal.
Kael, de son côté, regardait le combat en grignotant un bout de pain sec.
« Besoin d’aide ? » demanda t il poliment.
Asgeir lui lança un regard noir.
« Non. Ça me détend. »
Détendu, il l’était. Raffiné, pas vraiment.
Après une série de coups plus brutaux les uns que les autres, le gobelour ne ressemblait plus qu’à un tas de muscles inertes.
Une Bonne Sieste Bien Méritée
Asgeir tituba un peu, se tenant les côtes. Pas indemne, le nain.
Sans un mot, il posa les mains sur Kael, murmura quelques incantations et les blessures de l’ensorceleur se refermèrent.
« Toi d’abord. Moi après. » grogna Asgeir, avant de s’écrouler contre le mur, plongeant dans un sommeil profond de six bonnes heures.
Je les observais, et je ne pus m’empêcher de me dire que, franchement, ils ne manquaient pas de cran. Ni d’inconscience.
Le Réveil d’un Nain Reposé
Asgeir émergea de son sommeil, l’air grognon mais en forme. Kael, qui avait monté la garde pour une fois, miracle, le regarda se lever avec un sourire en coin.
« On y retourne ? » lança l’ensorceleur.
Asgeir hocha la tête et remit son casque, toujours cabossé de l’attaque précédente.
Au Détour d’une Salle : Deux Méfits Mal Lunés
Ils ouvrirent une énième porte, qui révéla une pièce plongée dans une brume étrange. Un froid glacial s’en dégageait, mêlé à une odeur de soufre.
Deux formes se détachèrent de la brume : un méfit fumant, suintant des vapeurs toxiques, et un méfit de froid, dont chaque pas gelait le sol.
Kael et Asgeir se regardèrent.
« On les défonce ? » demanda Kael, toujours subtil.
« Toujours. » répondit Asgeir.
Le combat éclata.
La Rage du Nain et la Maladresse du Mage
Le méfit fumant projeta une vague de fumée noire, enveloppant Kael. Le mage tituba, suffoquant, tandis qu’Asgeir chargeait le méfit de froid, qui riposta par un soupir glacial.
Les deux compères encaissèrent, mais Kael, déjà affaibli par le gobelour, s’effondra, ses lèvres bleuissant sous le froid.
« KAEL ! » hurla Asgeir.
Les yeux du nain s’illuminèrent d’une lueur farouche.
Je ne saurais dire si c’était la colère, le désespoir ou un mélange explosif des deux, mais Asgeir entra dans une rage folle. Faisant tonner foudre et éclair, il fit valser les monstruosités.
Le méfit fumant n’eut même pas le temps de recracher sa brume qu’il se prit un marteau divinement inspiré en pleine face. BOUM ! Plus de méfit.
Le méfit de froid tenta de reculer, mais Asgeir, hurlant comme un possédé, lui fondit dessus et l’écrasa contre le sol avec une force décuplée. CRAC ! Plus de méfit non plus.
Le Retour du Mage
À bout de souffle, Asgeir tomba à genoux près du corps de Kael, posa ses mains calleuses sur sa poitrine glacée et murmura des prières gutturales.
La magie s’enroula autour du mage, un souffle de vie parcourut ses veines, et Kael ouvrit les yeux.
« Oh… j’ai raté quelque chose ? » murmura t il.
Asgeir s’effondra à côté de lui, haletant.
« Ouais… un putain de miracle. »
Sans ajouter un mot, Asgeir s’allongea contre le mur et plongea dans un sommeil réparateur de six heures pendant que Kael, enfin conscient de l’utilité d’un tour de garde, monta la surveillance.
Et moi, toujours là, l’âne fantomatique et impuissant, je ne pouvais que regarder, secouant la tête dans un ricanement muet.
Ces deux là étaient soit invincibles… soit sacrément chanceux.

Quand la Discrétion Fait Grincer
Après un repos mérité, enfin, pour ce qu’ils appellent « repos », Asgeir et Kael se remirent en route, bien décidés à dénicher tous les monstres et autres joyeusetés cachés dans ces maudits couloirs. Devant eux, une porte massive, sculptée de symboles gobelins. Asgeir, dans un élan de lucidité inhabituelle, leva la main pour ouvrir délicatement. Il appuya doucement.
Screeeeeeeeech…
Le grincement résonna dans tout le donjon. Kael leva un sourcil. « Discret. Vraiment. » Asgeir, visiblement vexé, opta pour un plan B.
« À LA TEMPÊTE ! » hurla t il en défonçant littéralement la porte d’un coup de bouclier.
La Rencontre Surprise avec Deux Gobelins Pas Prêts Dans la pièce, deux gobelins jouaient à un jeu étrange impliquant des osselets et un morceau de viande douteux. En voyant le nain débarquer en furie, ils figèrent, les yeux écarquillés.
« GRUIIIIIK ?! » lança le premier, ce qui devait probablement signifier « C’est quoi ce bordel ? »
Mais Asgeir n’était pas venu pour discuter linguistique. Vague tonnante ! Le sol trembla, les gobelins furent projetés contre les murs avec une force qui les transforma en décorations modernes un peu éclatées. Le second gobelin, encore collé au mur, tenta de se relever. Mauvaise idée. Asgeir le pointa du doigt. Éclair divin. La foudre s’abattit sur le malheureux qui disparut dans un nuage de fumée et une odeur de grillé. Kael, qui s’était contenté de regarder le spectacle les bras croisés, applaudit lentement.
« Je dois reconnaître… tu sais comment faire une entrée. »
Asgeir lui lança un regard suffisant. « Ça, c’est l’accueil tempétueux. » La Découverte du Dragonnet Capricieux Ils continuèrent leur exploration jusqu’à tomber sur une salle étrange, recouverte de gravures antiques et de chaînes brisées.
Et au milieu, attaché à un pilier par une chaîne dorée, se trouvait… un dragonnet. Écailles brillantes, yeux perçants et, surtout, une moue boudeuse digne d’un gamin à qui on aurait volé son goûter. Kael s’approcha, émerveillé. « Le dragonnet des légendes… il est réel ! » Asgeir, plus pragmatique, posa ses mains sur les chaînes et marmonna un sort.
CLING ! Les chaînes tombèrent au sol, libérant la petite créature. Le dragonnet les regarda. Cligna des yeux. Et… ne bougea pas. Asgeir fronça les sourcils.
« Bon, tu viens ? »
Le dragonnet bâilla, se gratta le museau et s’allongea. Kael tenta un sourire bienveillant. « Allons, petit, c’est l’heure de partir. » Le dragonnet souffla un petit jet de flamme dans sa direction, plus un crachat symbolique qu’une réelle attaque.
« J’imagine que c’est non… » souffla Kael, essuyant sa manche. La Diplomatie Selon Kael Pendant deux bonnes heures, Kael tenta tout ce qui était possible pour convaincre le dragonnet : mimes ridicules, histoires abracadabrantes, chants affreux en draconique, promesses d’or et de montagnes de nourriture. Asgeir, lui, serrait son marteau à s’en blanchir les phalanges, les yeux rivés sur la créature. « On le grille et on le traîne ? » proposa t il au bout d’un moment, l’œil brillant d’une lueur orageuse. Kael leva un doigt.
« Non. Diplomatie. »
Le nain soupira tellement fort que je crus qu’il allait déclencher une tempête tout seul. L’Ultime Convaincante… ou le Désespoir ? Finalement, après une interprétation discutable d’une danse draconique que Kael affirmait avoir apprise dans un manuel, le dragonnet se leva. Il les observa, pencha la tête, puis poussa un soupir… et fit un pas en avant. Kael écarquilla les yeux. « Ça… ça marche ?! » Asgeir leva les bras au ciel.
« ALLÉLUIA ! Je croyais que j’allais finir fossile ici ! » Ils prirent donc la route, le dragonnet trottinant derrière eux avec l’enthousiasme d’un enfant qu’on traîne faire les courses. Je me disais, en les observant, que même les miracles avaient leurs limites. Mais cette fois ci, il semblerait que Kael avait trouvé un moyen, et que, contre toute attente, Asgeir avait évité de réduire la créature en un petit tas de cendres. J’étais à la fois surpris et vaguement déçu. Ça aurait fait un bon feu de camp… Jour 5 : « Pourquoi faire simple quand on peut faire Kael » Je rappelle que je vois tout, je n’ai pas le droit de hennir… mais j’ai le droit de juger.
Et croyez moi, je juge.
1 : La Trappe et les Bijoux de Famille L’histoire commence, comme souvent avec Kael, par un piège déclenché. Ce génie de la magie met les deux pieds sur une dalle un peu trop décorative. CLAC, le sol s’ouvre. Mais au lieu de chuter comme un vulgaire sac d’os, Kael se rattrape en catastrophe. Avec quoi ? Ses bras ? Non. Ses attributs. Oui, suspendu par l’honneur, littéralement. On a frôlé la castration par réflexe. Asgeir, lui, passe à côté d’un pas de promenade, sifflotant. Il jette un regard amusé : « Joli saut de… bourse, l’ami. » Et il continue, laissant Kael se hisser tant bien que mal. Il paraît qu’un nain qui sourit est rare. Là on vient de découvrir le Graal.
2 : La Porte Sans Serrure et Sans Pitié Une large porte lisse, aucune poignée. Mystère ! Kael s’approche, scrute, tapote, fait le savant… BAM ! La porte s’ouvre toute seule et lui refait le portrait façon origami. Sur le seuil, un gobelin hilare. Enfin… deux secondes. Asgeir ne dit rien, il tonne. Littéralement : un éclair marteau, un gobelin en confettis, fin de la comédie. « Encore moi qui fais tout le boulot », lance t il en essuyant le sang vert de sa barbe. Je crois entendre Kael grommeler quelque chose comme « Ta porte m’a frappé le premier ». Pas sûr, son nez droit comme une virgule n’aide pas à l’élocution.
3 : L’Archer Caché et la Vengeance Express Une flèche siffle depuis l’ombre. SCHLOK ! Asgeir décroche un carreau dans l’épaule. Rien de mortel, juste la dose de mauvaise humeur qu’il lui manquait. Kael riposte d’un trait de feu… qui fait surtout de la fumée sur le mur. Je soupçonne son œil au beurre noir de viser tout seul. Asgeir charge, hurle le nom d’un dieu orageux trop content d’avoir du travail, critique naturel : l’archer gobelin devient décor mural. Le nain se retourne, cligne à peine : « Tu dors ? » Kael choisit de répondre par un simple saignement de narines. C’est plus prudent.
4 : Le Garde en RTT Définitif Plus loin, un gobelin assoupi sur sa pique. Il bave. Il ronfle. Il rêve peut être d’un monde sans nains énervés. Triste rêve. Asgeir fait signe à Kael : “Regarde bien.” Puis il s’approche sur la pointe des bottes, et transforme le crâne du dormeur en clafoutis gobelinien. « Réveil matinal, bonjour fatal. », murmure t il avec une révérence. Kael pouffe. Je ris aussi. Silencieusement. Depuis l’extérieur. Et pourtant, je ris. Bref, la forteresse continue de perdre ses locataires à une vitesse alarmante. Et mes deux héros, l’un suspendu par ses parties, l’autre bardé de blessures et de sarcasmes, poursuivent leur route… Mais moi, je vous le dis : c’est pas fini. Y a encore au moins un piège débile, trois monstres chelous, et probablement une conversation gênante avec un meuble magique.

Chapitre : Le Trône, la Trahison et le Puit du Désespoir
Sous titre : Pourquoi faut jamais dire « allons y » devant un mage trop zélé
La salle du destin C’était une salle immense. Sol de marbre craquelé. Puit sans fond au centre. Trône sculpté dans de l’obsidienne fendue. Et tout autour, l’armée personnelle du Roi des Gobelins, dont l’apparence se situait entre « chevalier de l’enfer » et « boucher syndiqué ». Deux archers gobelins affûtés. Deux squelettes ricanants. Un Gobelourd aux bras comme des barriques. Et… un arbre magique. Oui, un arbre. Un genre de bonsaï maléfique, mais à l’échelle d’un chêne.
Au centre, le Roi, un Hobgobelin à l’armure trop brillante pour être honnête. Il les attendait. Tranquille. Pimpant. Et surtout perfide. « Approchez, héros. », dit il avec un sourire de rapace. Kael, tendu comme un slip d’elfe, fait un pas. Asgeir, lui, garde les mains dans les poches. L’air de rien. L’air de trop. « Vous avez deux choix, dit le Roi. Tuez tous les kobolds pour moi… et soyez richement récompensés. Ou refusez… et mourrez. »
Silence.
Tension.
Bruit de goutte d’eau tombant dans le puit.
Ou c’était Kael qui transpirait.
Asgeir, miraculeusement lucide, entre dans un rôle digne des plus grands manipulateurs de taverne. Il hausse les épaules, hausse une joue, hausse même un sourcil : « À deux, c’est pas possible. Trop nombreux. On est bons, mais pas idiots. Donnez nous un peu d’aide, un ou deux costauds, on vous règle le problème kobold. » Le Roi hoche la tête, séduit. Il désigne son champion. « Vous serez escortés par Gragh le Sanguinaire. » Asgeir, confiant : « Bien. Allons y. » Kael, stressé, comprend ça comme : « CHARGEZ L’APOCALYPSE MAINTENANT ». Et là… oh là… tout part en cacahuète.

LE GRAND COMBAT
Kael évite deux flèches qui sifflent à ses oreilles comme deux moustiques très énervés.
Il riposte avec un Orbe fracassant, dirigé vers le Roi. Rien. Nada. Même pas une égratignure.
Le Hobgobelin ricane. Il dégaine une javeline et PLAF, Kael la prend dans l’épaule.
Un squelette s’en mêle. Il l’égratigne. Pas mortel, mais ça pique comme une ex qui revient.
Asgeir, de son côté, balance son marteau sur le Gobelourd.
Le coup résonne comme un tonnerre enragé.
Mais le Gobelourd riposte et le projette à travers un banc en pierre.
Asgeir se redresse dans la poussière, hurle un mot sacré et déclenche la Fureur de l’Ouragan, puis la Fureur destructrice.
Le Gobelourd ne comprend pas, puis il ne comprend plus rien du tout. Il s’effondre.
Deux flèches volent. Elles se plantent sur le bouclier d’Asgeir.
Il ne bronche pas. Il grince.
Kael, vengeur et encore à peu près debout, pulvérise un squelette avec un rayon de feu.
L’os fond. Littéralement.
Mais voilà…
Le Roi s’avance.
Double attaque.
Double critique.
Asgeir tombe.
Dans un bruit de métal, de barbe et d’honneur.
La DÉTRESSE de l’Âne
Je ne vous mens pas. J’ai hurlé.
Du haut de ma colline, j’ai bramé à la mort.
Des sanglots, des hennissements déchirants, des « NOOOON » dramatiques que même les nuages ont pleuré.
Une chèvre m’a regardé. Elle a pleuré aussi.
Asgeir. Mon maître. Mon nain.
Mort.
Plouf et Miracle
Dans un moment de désespoir absolu, Kael saisit une potion de soin, la jette sur le corps d’Asgeir comme une offrande désespérée…
et saute dans le puits.
Asgeir revient à lui. Il cligne des yeux. Moi aussi.
Et là, sans réfléchir, il se redresse.
Et saute dans le puits. Après Kael.
Sauf que Kael est toujours en chute libre.
Et donc…
Asgeir lui tombe dessus.
Et là, chers amis… miracle logistique.
Kael amortit la chute d’Asgeir. Oui. Avec sa colonne vertébrale.
Kael meurt. Asgeir survit.
Mais dans un élan d’amitié divin, Asgeir récite une prière.
Et Kael revient. Encore.
Fracturé. Sonné. Mais vivant.
L’Engueulade Mémorable
Allongés dans un tunnel sombre, ils se regardent.
Et là, l’orage éclate :
« POURQUOI T’AS ATTAQUÉ ? »
« T’AS DIT “ALLONS Y” ! »
« C’ÉTAIT UNE EXPRESSION, PAS UN SIGNAL DE GUERRE ! »
« TU DIS “ALLONS Y” EN SQUATTANT LA MORT DANS TON REGARD, QU’EST CE QUE TU VOULAIS QUE JE COMPRENNE ? »
« QUE JE PARLE ! COMME UN ÊTRE HUMAIN ! »
« T’ES UN NAIN ! »
Et puis, comme souvent après un très gros effort et une très grosse engueulade…
ils s’écroulent.
Épuisés. Cassés. À moitié morts. Mais vivants.
Moi, l’âne, je regarde tout ça…
Le cœur dans les sabots.
Le museau dans mes larmes.
Je suis passé par toutes les émotions possibles pour un mammifère herbivore non présent dans l’aventure.
Mais au final… ils sont vivants.
Et ça, c’est tout ce qui compte.
À demain.
Ou pas. Dépend si Kael se prend une autre porte en pleine face.

Chapitre : Ratatouille sanglante dans les profondeurs murmurantes
Ils marchaient.
Longtemps. Trop longtemps.
Asgeir ronchonnait tous les sept pas, Kael réajustait sa tunique froissée toutes les sept secondes, et moi, j’observais depuis mon rocher, en mâchant de la luzerne avec l’intensité d’un vieux barde au bord de la crise de nerfs.
Au détour d’un couloir, humide, tordu, décoré d’ossements artistiquement placés, une douce odeur flottait dans l’air.
Une odeur… alléchante.
Un fumet de mijoté gobelin, relevé au ragoût douteux.
Et là, dans une pièce faiblement éclairée par un feu de camp au gaz de champignon, ils virent :
Un Gobelour, en toque de chef, concentré sur sa marmite.
Deux rats géants, salivant en chœur, la truffe levée vers la vapeur.
Aucun ne les vit entrer.
Une erreur.
Parce qu’un Asgeir de mauvaise humeur, c’est comme une tempête dans une cave à vin : ça fait des dégâts et ça ne prévient pas.
« Marre. Des. Bêtes. »
Et BAM !
Premier rat pulvérisé, transformé en steak tartare.
BOUM !
Deuxième rat reconfiguré façon galette murale.
Le Gobelour se retourne, hurle, laisse tomber sa louche, en os humain, pour info, et recule d’un pas, bouche ouverte.
C’est là que Kael, toujours désireux de participer avec panache, lance un souffle de feu.
Pas très efficace, mais très spectaculaire.
Résultat : le Gobelour se retrouve avec les poils roussis, les sourcils vaporisés et une odeur de cochon grillé.
Asgeir, fidèle à lui même, ne laisse pas passer l’occasion :
coup de marteau en pleine tronche.
Le Gobelour vacille, grogne, se frotte le crâne, puis répond d’un énorme coup sur l’armure d’Asgeir.
Un bruit sourd résonne.
L’armure encaisse.
Asgeir ne bronche pas.
Il réplique.
Et rate.
Oui. Même les héros se foirent parfois.
Même souvent, mais chut, ça casse le mythe.
Le Gobelour contre attaque.
Et Asgeir esquive avec une souplesse de ballerine naine.
Il y eut même un petit tour sur lui même que personne n’a vu, mais moi, oui.
Et puis…
BOUM.
Un dernier coup.
Marteau.
Gobelour.
Fin.
Le bestiau s’effondre, la langue dehors, dans une assiette de ragoût fumant.
Ironie du sort : il est tombé dans sa propre soupe.
Et maintenant… ?
Silence.
Kael souffle.
Asgeir grogne.
Le feu crépite.
Les deux compères se regardent.
Un moment de calme.
Puis, au loin, dans un écho moite et profond, une voix ancienne semble murmurer…
Des mots inconnus, incompréhensibles.
Asgeir fronce les sourcils.
Kael serre son bâton.
Moi, l’âne, j’écoute.
Et pour la première fois depuis longtemps… j’ai un frisson.
Nous venons d’atteindre…
les Profondeurs Murmurantes.
Et là dedans, même un âne magique hésite à braire.
Chapitre : La Faille, la Flûte et le Feu Serpent
Les Profondeurs Murmurantes faisaient encore vibrer l’air quand Asgeir leva la main, comme pour arrêter le destin lui même.
« Stop. Ça suffit. J’vais pas suivre ce lézard en chemise dans ses délires de chuchotements maléfiques. »
Kael fronça les sourcils, vexé. « Mais… les voix ! Elles m’appellent, elles veulent… »
« Elles veulent rien. À part te voir crever comme un bleu. On reviendra plus tard. »
Kael, pour une fois, sembla réfléchir plus de dix secondes d’affilée. Puis il soupira.
« Très bien. Plus tard. »
Et plus tard, avec Kael, ça voulait dire « dans cinq minutes ».
Ils débouchèrent sur une faille béante, une cicatrice dans la pierre qui avalait la lumière.
Asgeir fit mine de repartir, ronchon, avant de remarquer une porte à demi cachée dans l’ombre, sculptée de runes qui pulsaient doucement.

« Encore une connerie magique », grommela t il.
Et c’est là que Kael sortit son fameux sifflet mystérieux. Il inspira profondément et fiiiiiiiii…
Un son strident emplit le couloir, comme une flûte mal accordée jouée par un gosse enrhumé.
Asgeir cligna des yeux. « Tu fais de la musique… ? »
Kael haussa les épaules. « C’est… expérimental. »
Moi, je brayais intérieurement. On venait d’inventer le free jazz gobelin.
Pendant que Kael faisait la sérénade à la porte, Asgeir retourna fouiner dans la cuisine où ils avaient croisé le Gobelour chef cuistot. Entre un os à moelle et un vieux tonneau de ragoût, il dénicha une corde étrange. Fine, mais solide, tressée d’une fibre qui brillait faiblement. Une corde magique d’escalade.
« Enfin un truc utile », marmonna t il en l’enroulant à sa ceinture.
Quand il revint, Kael était toujours en grande discussion avec la porte enchantée.
« Allez, ouvre toi ! Je suis digne ! Je suis… Kaellard le Magnifique ! »
La porte resta muette. Asgeir leva les yeux au ciel.
Finalement, grâce à la corde, ils descendirent la faille. Le sortilège se déploya tout seul : la corde se planta d’elle même dans la roche et déroula une descente parfaite. Une fois en bas, Asgeir commença déjà à grimper de l’autre côté.
Et c’est là que Kael poussa un cri théâtral :
« Un serpent de feu ! »
La créature surgit, un serpent incandescent, ses écailles flamboyantes illuminant la faille d’une lueur rougeoyante.
Kael réagit en premier : il inspira et expulsa un souffle glacé. Un nuage de givre enveloppa le serpent, qui grésilla comme un steak mal saisi. Blessé, mais furieux, le monstre se jeta sur lui.
CLAC ! Ses crocs se plantèrent dans le bras de Kael.
BAM ! Sa queue enflammée fouetta le cou du pauvre drakéide, qui vacilla, étourdi.
Asgeir, voyant son compagnon chanceler, leva les mains. Trois projectiles lumineux jaillirent et frappèrent le serpent en plein corps.
ZAP ZAP ZAP !
Le serpent explosa dans un dernier sifflement, réduit en cendres.
Asgeir bomba le torse, satisfait.
« Voilà ce qui arrive quand on laisse les pros agir. Trois tirs, trois morts. Simple. »
Kael, toujours sonné, se contenta de rouler des yeux.
Et ainsi, nos deux héros improvisés, après avoir survécu à une porte muette, un sifflet cacophonique et un serpent de flammes, décidèrent qu’un repos de douze heures n’était pas du luxe.
Moi, je regardais tout ça de mon rocher invisible. Et je me disais que, franchement, la vraie magie, c’était qu’ils soient encore vivants.

Chapitre : Portes Capricieuses et Gobelins Mal Inspirés
Le réveil fut aussi naturel qu’un coup de marteau sur un gong. Asgeir grogna, Kael s’étira, et moi… j’observais, toujours dubitatif sur leur espérance de vie.
Devant eux, une porte massive. Kael posa les mains, poussa de toutes ses forces.
Rien.
Asgeir s’avança, craqua des doigts et lança d’un ton théâtral :
« Laisse faire papa… »
Il poussa.
Rien.
Un silence gênant. Puis Kael, excédé, donna un grand coup d’épaule.
BAM ! La porte s’ouvrit en grinçant.
Kael leva un sourcil.
« Voilà. »
Asgeir marmonna quelque chose sur le respect dû aux charnières.
Dans la pièce suivante, Asgeir découvrit un passage secret, dissimulé derrière un pan de mur effrité. L’air satisfait, il passa devant.
Deux pas plus loin, deux gobelins déboulèrent, armes brandies.
Combat 1 : Deux idiots contre deux minus
Les deux gobelins se jetèrent sur Asgeir… et manquèrent lamentablement.
Kael réagit aussitôt : un jet de flammes embrasa le premier gobelin, qui se tortilla, carbonisé mais encore vivant.
Asgeir fonça, abattit son marteau, et le gobelin numéro 1 vola contre le mur, en toussant.
Le gobelin numéro 2 tenta sa chance : il réussit à planter sa lame dans la jambe d’Asgeir. Le nain s’écroula avec un juron sonore.
Kael, profitant de l’ouverture, finit le gobelin numéro 1 d’un rayon de feu bien placé.
Asgeir se releva, furieux, leva son marteau… et frappa dans le vide.
Kael, excédé, hurla d’une voix si terrifiante que le dernier gobelin lâcha son arme et leva les mains, tremblant.
Asgeir le saisit par le col, fronça les sourcils… et lui asséna un monumental coup de tête.
CRAC ! Le squelette céda comme une vieille planche.
« Oups… » marmonna Asgeir, faussement navré. « C’est moins solide que je pensais… »
Combat 2 : Le Club des Chirurgiens Inutiles
Dans la salle suivante, trois gobelins s’affairaient à disséquer un rat déjà mort. Oui, mort. Depuis longtemps.
Asgeir inspira profondément, leva son marteau et hurla :
« VAGUE TONNANTE ! »
BOUM ! Deux gobelins pulvérisés. Le troisième tituba, oreilles sifflantes.
Kael, voulant achever le travail, lança un trait de feu… qui fit fondre un poil du gobelin pour un dégât ridicule.
Le survivant tenta une riposte sur Asgeir, mais son arme se planta dans le sol.
Kael, agacé, lança un deuxième sort. Cette fois, le gobelin s’écroula, grillé.
Combat 3 : L’Opéra des Ronfleurs
Trois gobelins dormaient paisiblement dans la pièce suivante.
Asgeir esquissa un large sourire.
Kael leva les yeux au ciel, dépité. « Fais ton numéro. »
Le nain entra à pas de velours, leva son marteau comme une masse divine… et BAM BAM BAM ! Les trois dormeurs furent pulvérisés en cadence, comme des tambours de guerre.
Asgeir s’inclina. Kael se couvrit le visage d’une main.
Combat 4 : Jardinage Mortel
Enfin, ils débouchèrent sur une gigantesque salle. Là, une gobelour femelle, armée d’une coutille à lame de faucille, s’occupait tranquillement de quelques champignons luisants, comme une jardinière du dimanche.
Kael leva la main pour parler.
« Attendez, peut être qu’on peut négocier… »
Trop tard.
CLANG ! Asgeir avait déjà frappé, son marteau résonnant comme un orage.
La gobelour rugit, riposta, et sa coutille entailla la cuisse du nain.
Asgeir entra alors en transe furieuse, ses yeux lançant des éclairs.
« FUREUR… DESTRUCTRICE ! »
Le choc fit trembler la salle. La gobelour chancela, à moitié brisée.
Kael, voyant l’occasion, lança un éclair fulgurant.
ZAP ! La créature s’effondra, carbonisée au milieu de ses champignons.
Asgeir essuya son front, sourit, et déclara simplement :
« Jardinage terminé. »

Chapitre : Champignons, Ossements et Tortues Invisibles
La progression reprit, et je me disais que, peut être, pour une fois, ils allaient avoir un peu de bon sens.
Nouvelle porte. Asgeir l’entrouvrit, oreille aux aguets.
Un sifflement résonna dans l’air… schhhhsssskrrrrrhhh.
Le bruit caractéristique.
Le bruit qui fait suer froid même un nain têtu.
Le bruit d’un serpent de feu.
Ni une ni deux, mes deux héros refermèrent la porte avec la délicatesse d’un chaton maladroit.
Kael chuchota : « On n’a rien vu. »
Asgeir acquiesça : « Exact. On n’a rien vu. »
Et ils reculèrent à petits pas, comme deux enfants pris la main dans le pot de miel.
La Salle des Champignons et du Trou Surprise
La pièce suivante était un jardin étrange, couvert de champignons phosphorescents. Ça brillait, ça puait, et ça donnait envie d’éternuer rien qu’en respirant.
Kael, toujours curieux, se pencha sur une touffe suspecte… et disparut d’un coup.
PLAF.
« … » fit Asgeir en se penchant.
En bas, Kael grognait, couvert de poussière et de spores.
Quelques ossements traînaient au fond. Vieux. Cassés. Un petit cimetière improvisé.
« Tout va bien ! » cria Kael.
« Dommage… » grommela Asgeir avant de lui lancer la corde magique.
Une minute plus tard, Kael ressortait, les cheveux pleins de champignons et la dignité réduite à néant.
La Salle des Squelettes et la découverte du dragon rouge
Nouvelle pièce, nouvelle surprise. Trois squelettes se dressaient, épées rouillées en main, orbites vides mais brillantes d’une lueur sinistre.
Asgeir ne perdit pas une seconde.
« VAGUE TONNANTE ! »
BOUM !
Le sol trembla, les squelettes furent ébranlés, mais pas pulvérisés.
Les trois répliquèrent aussitôt, frappant Asgeir de leurs armes grinçantes. Un d’eux trouva une ouverture et taillada sa côte. Sept bons points de douleur.
Asgeir rugit.
« FUREUR DE L’OURAGAN ! »
Un souffle divin explosa, et un squelette vola en éclats.
Puis le nain leva son marteau pour une attaque. Et là… le destin se mêla de l’affaire.
Le marteau partit du bas, remonta avec la grâce brutale d’un bélier en rut, et traversa l’entrejambe du squelette avant de remonter jusqu’au crâne, pulvérisant l’ennemi en une pluie de poudre d’os.
Silence. Puis un éclat de rire de Kael.
Le drakéide, inspiré, tenta d’attaquer à son tour. Il s’exclama « mince la tortue ! » et son pied glissa. Oui, sur une tortue qui n’était présente que dans son petit crâne de rejeton de dragon… Une tortue imaginaire. Personne ne la vit sauf lui. Mais assez pour qu’il s’écroule comme un sac de pommes de terre.
Asgeir, paniqué, tenta de sauver son ami en frappant le dernier squelette. Il rata.
Le mort vivant profita de l’ouverture et frappa Asgeir en retour.
Et là…
Les yeux du nain s’illuminèrent d’une lumière furieuse.
La Fureur reprenait.
Le dernier squelette venait d’exploser sous le bâton de Kael, et déjà nos deux zigotos reprenaient leur marche, sans même ramasser un os en souvenir.
Nouvelle pièce. Encore des champignons, encore des plantes, et surtout… une porte. Mais pas n’importe laquelle : une lourde porte sculptée d’un dragon majestueux.
Kael, des étoiles dans les yeux, sortit son fameux sifflet.
Fiiiii… fiiiii… fiiiiiiiiiiiiiii…
Il souffla. Encore. Et encore. Au point que mes oreilles d’âne invisible saignaient presque.
Et là, miracle ou malédiction, allez savoir : un squelette de la pièce précédente se releva en grinçant et vint se placer docilement derrière Kael.
Le drakéide bomba le torse :
« HA ! Voyez, Bourricot ! Je suis maître ! Commandant d’une armée de morts vivants ! »
Il n’eut pas le temps de finir sa pose héroïque.

CRAC !
Le squelette explosa en mille morceaux sous le marteau d’Asgeir.
« Mauvaise musique n’attire que de mauvais serviteurs… » grogna le nain en essuyant sa barbe.
Kael croisa les bras, vexé.
« C’était mon premier disciple… »
« C’était ton premier cadavre, oui. »
Asgeir, agacé, finit par suggérer d’utiliser le dragon de jade qu’ils transportaient depuis un moment. Kael hocha la tête, approcha la statuette de la porte, et CLAC ! Les runes s’illuminèrent.
La porte s’ouvrit sur un couloir immaculé, murs propres, torches allumées, comme si on venait de passer le balai pour accueillir des invités.
Asgeir recula d’un pas.
« Je vais vous laisser en famille… » marmonna t il.
Et Kael, ravi, entra seul.
Quelques minutes plus tard, la voix du drakéide résonna :
« Asgeeeir ! Viens voir ! »
Le nain soupira si fort que la moitié des torches vacillèrent. Puis il entra à son tour.
Au centre de la salle, une gigantesque statue de dragon rouge, sculptée dans la pierre. Kael, bouche bée, l’admirait avec des yeux d’amoureux transi.
Asgeir, pragmatique, leva les yeux au ciel et commença à fouiller les recoins. Son instinct de nain, plus fiable que celui de Kael, le mena vers une pierre descellée.
Il tira dessus.
CLAC.
Et soudain, une ombre jaillit, masse mouvante et glaciale. Elle fondit sur lui, ses doigts noirs aspirant sa force vitale.
Asgeir chancela, ses muscles semblant se flétrir. Mais il se redressa, leva son marteau et gronda :
« Pas aujourd’hui. »
Sa main s’illumina, une lumière divine jaillit.
« FLAMME SACRÉE ! »
L’ombre hurla, se tordit, et disparut dans une gerbe de clarté, dissipée comme une mauvaise pensée.
Asgeir reprit son souffle.
« Voilà. Nettoyage terminé. »
Kael, toujours hypnotisé par la statue, répondit distraitement :
« Hein ? Quoi ? »
Je crois que j’ai hennit de rire.
Chapitre : Noir Complet, Laisse Improvisée et Porte Susceptible
La pièce suivante avalait la lumière. Littéralement.
Un noir épais, poisseux, le genre d’obscurité qui te donne l’impression qu’elle te regarde.
Asgeir fronça les sourcils, sortit une corde et l’attacha fermement autour de la taille de Kael.
Puis il tint l’autre extrémité.
Solidement.
Très solidement.
Vu de là où je suis, on aurait dit qu’il promenait un drakéide.
Et j’aurais payé cher pour un collier assorti.
« Avance doucement », grogna Asgeir.
« Je vois rien », répondit Kael.
« Moi non plus. Mais toi, t’as l’habitude. »
Kael fit deux pas.
Puis un troisième.
Puis… plus rien.

CLONG CLONG CLONG
Kael disparut dans un escalier qu’aucun de ses sens n’avait jugé utile de détecter.
Il hurla.
Longtemps.
Mais la corde se tendit.
Asgeir planta les pieds au sol, grogna, jura par tous les dieux de la tempête, et stoppa net la chute.
« T’es vivant ? »
« …Je crois. »
« Bien. Parce que maintenant, faut que j’avance. »
Et là, le destin trouva ça drôle.
Asgeir, tiré par le poids de Kael, dut s’engager à son tour dans l’obscurité totale.
À l’aveugle.
Sans savoir s’il avançait sur un sol… ou vers un vide.
Je priais. Oui, moi, l’âne. Je priais pour que personne ne lâche la corde.
Finalement, Kael sortit de la zone noire en rampant, couvert de poussière et d’orgueil meurtri.
La lumière réapparut.
Asgeir le rejoignit, la corde toujours bien en main.
« Tu peux détacher la laisse », souffla Kael.
« Non. »
La Porte Qui Se Défend Toute Seule
Devant eux, une porte verrouillée.
Kael s’agenouilla, sortit ses outils, et tenta un crochetage.
CLIC.
Rien.
Deuxième tentative.
CLIC.
Toujours rien.
Asgeir soupira.
« Bon. Laisse faire papa. »
Il recula, leva son bouclier et frappa de toutes ses forces.
« VAGUE TONNANTE ! »
La porte vibra.
Puis…
BOUUUM !
La magie de la porte renvoya l’onde.
Kael fut projeté en arrière comme une poupée de chiffon.
La barbe d’Asgeir s’envola dans un nuage majestueux, ondulant dans l’air avant de retomber, légèrement roussie.
Silence.
Asgeir cligna des yeux.
Toucha sa barbe.
La regarda par terre.
« …Cette porte est susceptible. »
Kael se releva péniblement.
« Je crois qu’elle m’a insulté. »
Devant l’évidence, et leur incapacité chronique à forcer ce qui ne voulait pas l’être, ils décidèrent, d’un commun accord miraculeux, de continuer ailleurs.
La Salle Qui Fait Dire « Oh. »
Ils avancèrent encore.
Puis encore.
Et soudain…
L’espace s’ouvrit devant eux.
Une immense salle.
Plafond perdu dans l’ombre.
Sol lisse, ancien, chargé de promesses et de problèmes.
Kael s’arrêta net.
Asgeir posa la main sur son marteau.
Moi, depuis mon perchoir invisible, je me contentai de soupirer.
Parce que quand ces deux là arrivent dans une immense salle, ce n’est jamais pour admirer l’architecture.
Et je savais.
Oh oui… je savais.

Chapitre : Quand l’Arbre Prend Feu et que la Diplomatie Meurt Brûlée
L’immense salle révélait enfin son secret.
Au centre trônait un arbre gigantesque, tordu, veineux, pulsant d’une énergie sombre. Ses racines serpentaient sur le sol comme des tentacules affamés.
Autour de lui :
Deux rejetons de la Taverne Ensorcelée, pâles, hagards, visiblement sous influence.
Un druide maléfique, couvert de symboles gravés à même la peau, sourire trop calme pour être honnête.
Deux buissons… comment dire… pas jolis du tout. Des buissons qui regardent mal.
Le druide ouvrit les bras.
« Vous arrivez trop tard… la nature a choisi… »
Kael hocha la tête.
« Oui oui. »
Et sans la moindre hésitation, il lança un rayon ardent.
Vingt naturel.
Je vous jure que même les racines ont crié.
Le rayon frappa l’arbre de plein fouet. Quarante deux points de dégâts.
L’écorce éclata, la sève noire jaillit, et l’arbre hurla comme un porc qu’on égorge.
Kael enchaîna.
Deuxième rayon ardent. Vingt quatre dégâts.
L’arbre maléfique s’embrasa entièrement, ses branches s’effondrèrent dans un craquement sinistre.
Troisième rayon.
Direction le druide. Dix huit dégâts.
Le sourire du druide disparut. Définitivement.
« Ah. » fit il.
Puis il lança une boule de feu.
L’explosion secoua la salle, projetant chaleur et flammes dans tous les coins. Moi, même depuis mon rocher, j’ai senti passer le souffle.
Un des rejetons, encore conscient, lança alors un sort de Sommeil.
Kael s’effondra aussitôt, ronflant comme s’il venait de manger une dinde entière.
« KAEL ! »
Asgeir se précipita, le secoua violemment.
« Réveille toi, tas d’écailles ! Y’a encore du boulot ! »
Kael ouvrit un œil.
« …j’ai gagné ? »
« NON. »
Et alors que le combat semblait devoir s’enliser…
Les deux rejetons s’effondrèrent d’un coup.
Privés de l’arbre maléfique, le sort s’était brisé.
Les deux buissons…
prirent feu.
Instantanément.
Comme deux torches mal intentionnées.
Le druide, désormais seul, recula d’un pas.
Kael se redressa complètement et lança trois éclairs.
ZAP !
Treize plus quatorze plus dix huit points de dégâts.
Le druide hurla, mais eut encore la force de riposter avec une Vague Tonnante.
L’onde frappa Asgeir de plein fouet, faisant vibrer son armure.
Erreur.
Asgeir avança.
Calme.
Déterminé.
Son marteau s’abattit sur le druide dans un fracas divin.
Os qui craquent.
Foi qui parle.
Le druide chancela.
Kael s’approcha.
Le regard dur.
Le bâton levé.
CLAC.
Fin du druide.
Silence.
La salle n’était plus qu’un champ de cendres, de branches calcinées et de promesses brisées.
Asgeir rangea son marteau.
Kael essuya la sueur de son front.
Moi, l’âne, je respirai enfin.
Les rejetons étaient vivants.
L’arbre était mort.
Le druide aussi.
Une victoire.
Une vraie.
Et connaissant ces deux là…
ça n’allait sûrement pas durer.

Épilogue : L’Âne, l’Ignorance et la Gloire Imméritée
Ils sortirent enfin.
Couverts de suie.
Blessés.
Fourbus.
Vivants.
Et moi, j’étais là.
Attaché dehors.
Paisible.
En train de mâchouiller une herbe parfaitement innocente, comme si le monde n’avait pas failli exploser dix sept fois sous mes sabots invisibles.
Asgeir fut le premier à me voir.
Il sourit. Un vrai sourire. Rare.
« Bah voilà, Bourricot. T’as rien raté. »
Kael hocha la tête avec conviction.
« Absolument rien. Un peu de poussière, c’est tout. »
Je les regardai.
Je clignai lentement des yeux.
Je reniflai.
Oui.
Bien sûr.
Rien.
Les deux rejetons sortirent à leur tour, encore tremblants mais vivants. Libres. Saufs.
Ils me regardèrent avec reconnaissance.
Ils étaient persuadés que j’avais attendu là, sans rien savoir, sans rien comprendre.
Ah…
S’ils savaient.
Le chemin du retour fut presque calme.
Presque.
Kael parlait trop fort.
Asgeir râlait trop bas.
Les rejetons racontaient déjà une version très embellie de l’histoire.
Moi, je marchais.
Silencieux.
Digne.
Quand ils arrivèrent en ville, ce fut le chaos.
Des cris.
Des pleurs.
Des rires.
Des embrassades.
Les portes s’ouvrirent.
Les gens accoururent.
« Ils sont revenus ! »
« Les enfants sont vivants ! »
« Les héros ! »
Des fleurs furent lancées.
Des chopes remplies.
Des épaules tapotées.
Asgeir reçut des accolades qu’il ne sut pas gérer.
Kael salua la foule comme s’il avait toujours fait ça.
Et moi ?
On me gratta l’encolure.
On me donna du foin.
Du bon.
Du très bon.
« Brave âne », dirent ils.
« Heureusement qu’il était là pour garder l’entrée. »
Je mâchai lentement.
Très lentement.
Oui.
Heureusement.
Cette nuit là, dans une étable chaude, pendant que les chants montaient de la taverne, je fermai les yeux.
Ils pensaient que je n’avais rien vu.
Rien entendu.
Rien compris.
Mais moi, je savais.
Je savais tout.
Et si un jour ils retournent là dessous…
Je serai encore là.
À attendre.
À juger.
À raconter.
Parce que quelqu’un doit bien se souvenir de comment les héros ont vraiment gagné.
Et à bientôt !
