Je m’appelle Elias Creepy.
Enfin, c’est ce qu’il reste de moi. Le reste, je l’ai laissé quelque part entre Verdun et la Somme, dans la boue, le sang et les cris. Là-bas, j’ai appris à regarder la mort droit dans les yeux, à lui parler presque. C’est une vieille amie, aujourd’hui. Elle m’a tout pris sauf la lucidité. Et la haine.

Quand je suis rentré, le pays m’a accueilli comme un fantôme qu’il ne voulait pas voir. L’armée m’avait transformé en infirmier, mais la guerre m’avait façonné autrement : un type qui sait recoudre des plaies, oui, mais aussi reconnaître quand quelque chose est pourri jusqu’à l’os. Alors j’ai changé d’uniforme. J’ai troqué la blouse contre un manteau, le scalpel contre un calibre .32, et je suis devenu détective. Privé, comme on dit. Très privé.
Les flics me tolèrent parce qu’ils ont besoin de mes yeux et de ma mémoire. J’ai appris à lire les visages comme d’autres lisent les journaux : rides, gestes, silences, tout me parle. Et quand ça ne parle pas, j’attends. Je fume. Toujours. La cigarette, c’est un tic, ou peut-être un rite. Un moyen de remplir le vide entre deux vérités.

J’ai eu un ami, autrefois. Le père Donovan. Un homme d’église qui croyait pouvoir sauver les âmes, même les plus souillées. Il m’a aidé à tenir debout quand je n’étais plus qu’un amas de nerfs et de cauchemars. Il m’a offert une arme, symbole de confiance, disait-il. Un calibre froid, précis, honnête. Ironique, non ? Parce que c’est lui, le prêtre, qui m’a trahi. J’ai découvert trop tard ce qu’il cachait : des livres qu’aucun homme de foi n’aurait dû lire, des rituels dont le simple souvenir donne la nausée. Une secte, des sacrifices, des symboles que même la guerre n’avait pas osé inventer. J’ai voulu comprendre. Mauvaise idée.

Depuis ce jour, j’ai cessé de croire. Dans les dieux, les hommes, la rédemption. La science, au moins, ne ment pas. Elle ne promet rien, elle explique. Froidement. Et parfois, ça suffit. Alors je continue. Je marche dans les rues noyées de pluie, je cherche des réponses dans les reflets des réverbères. Ma jambe me rappelle chaque soir que certaines blessures ne se referment jamais. Et dans l’ombre des immeubles, quand tout se tait, je repense à cette phrase qu’on aurait dû graver sur toutes les portes du monde :
On aurait dû brûler la maison.

Sous son manteau usé dort l’ombre d’un soldat,
Ses yeux ont vu trop de chair, trop de croix, trop de combats.
Entre la foi trahie et la raison froide, il trace sa voie,
Elias Creepy, le chirurgien détective, dissèque la vérité dans le brouillard des bas-fonds.
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On aurait dû brûler la maison…
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