S10E09 Shackleton Base

Et nous voici arrivés au cycle final de cette saison 10, avec l’espace. Espace, frontière de l’infini vers laquelle voyage notre vaisseau spatial. Sa mission : explorer de nouveaux mondes étranges, découvrir de nouvelles vies, d’autres civilisations et, au mépris du danger, reculer l’impossible.

Oui, sauf que là on s’est arrêté sur la lune et on commence à la coloniser, plus particulièrement le cratère de Shackleton. C’est ici que débute la partie de Shackleton Base : a Journey to the Moon, un jeu de Fabio Lopiano et Nestore Mangone, édité par Sorry We Are French… suivez le guide.

Le vide lunaire au début de la partie. 3 petits dômes et panneaux solaires sont installés.

C’est quoi ?

L’humanité a enfin réussi, après avoir conquis l’espace, à s’installer de manière permanente sur la lune. Quatre grandes nations y ont posé pied ensemble… mais ne vous y trompez pas, la coopération s’arrête là (c’est un compétitif pur). Evidemment, ces nations n’ont pas d’argent et elles ont fait un appel d’offres auprès de diverses corporations. Trois ont répondu à l’appel (sur un total de huit dans la boîte) et elles viennent avec leurs projets, leurs capacités spéciales et surtout leur argent. Au programme ? Un soupçon de compétition, une belle tranche d’optimisation et un risque non négligeable de paralysie d’analyse (oui, encore elle). En gros, c’est un eurogame ou un jeu à l’allemande (ça se dit encore ça ?).

La base lunaire de départ de la NASA, tout est à construire à part un petit dôme tout en haut

Comment ?

Le jeu se déroule en trois manches, chacune composée de plusieurs phases bien huilées. Tout commence par une phase de draft : les joueurs sélectionnent des navettes, qui leur fourniront ressources, astronautes et ordre du tour. Et là, déjà, il faut commencer à réfléchir, parce qu’une mauvaise navette peut ralentir vos ambitions lunaires avant même d’avoir touché le sol. Ensuite vient la phase d’actions, cœur du jeu, où l’on déploie ses astronautes (ingénieurs, techniciens et scientifiques) sur divers emplacements pour construire des bâtiments, extraire de précieuses ressources, améliorer ses équipements ou encore lancer des projets bien rentables. Chaque type d’astronaute a ses petits caprices et ses préférences d’affectation, ce qui oblige à jongler avec finesse entre priorités et contraintes (mais on n’est jamais bloqué).

Les trois corporations de la partie, ce sont celles suggérées pour une première partie

Les corporations dans Shackleton Base, c’est un peu comme des sponsors lunaires avec des exigences de diva. Elles ne sont pas là pour faire de la figuration, ni pour vous regarder bâtir tranquillement une base lunaire en toute sérénité. Non, ces trois entités économiques (parmi huit possibles à chaque partie) viennent chacune avec leur petite liste d’attentes, leurs règles spéciales et surtout leur manière bien à elles de distribuer des points de victoire. En gros, elles dictent les grandes orientations stratégiques de la partie et peuvent parfois rendre certaines actions franchement plus juteuses que d’autres. Vous l’avez compris, chaque partie va être singulièrement différente en fonction des corporations choisies.

La piste de réputation des agences

Il y a également une piste de réputation qu’il ne faut pas négliger dans Shackleton Base. Elle symbolise le prestige et notre capacité à inspirer confiance. Mais elle symbolise surtout une montée en puissance de notre installation sur la Lune, avec son important coût de maintenance. Toutefois, sa progression va débloquer de nouvelles actions de corporation (et elles sont vraiment importantes) et faire gagner des points de victoire en fin de partie.

Deux projets de deux corporations différentes

Autre option intéressante : l’exploitation du cratère. On y envoie des astronautes récupérer de précieuses ressources : minerais, argent (oui, même sur la Lune, le cash reste roi…), ou encore des éléments spécifiques aux corporations, comme des touristes intrépides, des échantillons lunaires ou de l’hélium-3. Mais attention, on ne peut exploiter que les zones où une agence a déjà posé ses bases. Et petit twist bien piquant : l’astronaute envoyé pour bosser dans le cratère rejoindra, à la fin de la manche, l’agence qui domine ce secteur lunaire. Autrement dit, vous l’utilisez… mais c’est votre concurrent qui le récupère. Sympa, non ?

La zone d’actions de commandement, c’est ici que tout se passe si vous voulez construire, développer des projets ou profiter des avantages de chaque corporation

A chaque fin de manche, on réinitialise les corporations (les touristes rentrent et ce sont des nouveaux qui arrivent par exemple), on procède à une phase de revenus, on distribue les astronautes depuis le cratère et, surtout, on paie les coûts de maintenance. Gloups. S’installer sur la lune nécessite de l’argent mais rester sur la lune nécessite aussi de l’argent. En gros, plus vous construisez, plus il faudra payer la maintenance des bâtiments. Vous n’arrivez pas à payer ? c’est votre réputation qui trinque. Vous n’avez plus de réputation ? C’est déduit de vos points de victoire… oui, il faut bien gérer et anticiper la phase de maintenance.

Le tout premier quartier général de la Lune, qui permet d’améliorer la capacité spéciale de l’agence spatiale (et qui coûte 4 crédits en maintenance…)

Et alors ?

Trois joueurs autour de la table : Stéphane, Bob et Minh. Trois approches radicalement différentes. Commençons par Minh. Début de partie en douceur, presque modeste : peu de bâtiments, une base fonctionnelle mais sans excès. Sa priorité ? Les projets des corporations. Et il a bien fait. En misant dessus dès le départ, il a réussi à s’impliquer dans les trois (exploit que personne d’autre n’a égalé). Ce choix lui a permis de monter en puissance tout au long des trois manches, tout en bénéficiant d’avantages immédiats, de bonus réguliers… et de gros points en fin de partie. Minh a rapidement compris que dans Shackleton Base, les projets ne sont pas des à-côtés : ce sont des leviers majeurs de victoire. Résultat ? 170 points au compteur. Solide.

Passons à Stéphane, l’explorateur lunaire dilettante. Fidèle à lui-même, il a tout testé, tout effleuré, sans jamais vraiment creuser. Un petit bâtiment de chaque pour le plaisir du catalogue, une seule corporation soutenue du bout des gants, et une approche générale qui relevait plus de la promenade lunaire que de la conquête stratégique. Il a clairement profité du paysage, savouré l’apesanteur, et sans doute pris quelques selfies sur fond de cratère, mais côté efficacité… disons que la Lune n’a pas été très généreuse. Il termine avec 42 petits points, preuve qu’on peut s’amuser sur ce jeu… quoique…

Navette de début de manche : elle donne les spécialités des astronautes (la couleur…), les ressources de début de manche et l’ordre du tour pour celle-ci

Et enfin, parlons de Bob. Lui, il est arrivé avec un plan : construire. Des bâtiments à la pelle, des extensions bien pensées et deux corporations chouchoutées comme il faut. Sa partie, c’est un bel exemple de montée en puissance : au fil des manches, sa base s’est étoffée, ses ressources ont coulé à flot et ses choix semblaient plutôt solides. Sauf que… il a raté les vraies sources de points. Les projets ? Boudés. Les laboratoires, ces bâtiments capables de cracher 30 points bien placés ? Sous-estimés. Résultat : une belle machine bien huilée, mais qui scorait à vide. Il termine à 114 points. Honorable, mais loin de la victoire. Moralité : sur la Lune, construire, c’est bien… mais construire utile, c’est mieux.

Et qu’en pense le RESTE DU MONDE ?

Sur BGG, il se classe à une lointaine 1790ème place mondiale, avec plus de 1100 votes. Pas surprenant quand on sait que le jeu a été édité par des Français et conçu par deux Italiens. Il faut bien avouer qu’un jeu dans cette configuration a plus de chances de se perdre dans la masse mondiale des jeux de société, surtout pour un eurogame exigeant. Mais le jeu en veut la peine, preuve en est le prix « Expert Game Award » pour 2024, bravo.

Plateau en toute fin de partie

Conclusion

Clairement, c’est un vrai jeu expert, avec tout ce que ça implique : une richesse de choix, une montée en puissance savoureuse, une belle complémentarité entre les corporations et des actions globalement simples à comprendre, même si leur enchaînement demande un vrai sens de l’anticipation. Il y a aussi un vrai effort d’immersion au niveau des corporations, chacune ayant sa propre identité, son petit grain lunaire à faire valoir. Mais à l’échelle du jeu lui-même… l’immersion globale est quasi absente. On n’est pas vraiment sur la Lune, on est plutôt devant un gros tableau Excel déguisé. Et ce n’est pas tout : l’analysis paralysis frappe fort, tant les options sont nombreuses et interdépendantes. À trois joueurs, sans les règles, on a atteint facilement les 4 heures de partie, ce qui peut vite décourager ceux qui aiment quand ça avance.

Au fond, tout dépendra des joueurs autour de la table. Certains trouveront leur bonheur dans cette mécanique dense, fluide et exigeante, prêts à passer des heures à optimiser chaque action comme une partition stratégique bien huilée. D’autres préféreront un bon petit jeu de cartes avec des chiffres dessus, en se disant qu’au moins, eux, ils ont rigolé pendant ce temps-là (pour ces joueurs là, vous vous êtes trompés d’établissement, sortez de ce blog svp).

Et à bientôt !

Daniel aka Bob

(l’article vous a plus, ou pas, donnez votre avis ci-dessous avec les pouces)


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