Attention : ce récit est un spoil complet de la mythique campagne sur Azathoth…
Vous voilà prévenu.
Cliquez ici pour avoir le début de l’histoire.
Elias Creepy
Le dimanche 9 mai 1927, 14h15.
Braddock ne répondait pas. Peut-être qu’il priait, peut-être qu’il jouait au golf ou peut-être qu’il me croyait encore mort. Allez savoir. Nous voulions seulement l’adresse privée du Dr Walters, mais le silence du téléphone nous a renvoyés à nos propres ombres. Alors on est partis tous les trois voir le croque-mort, Alvin Beswick.

Il était 15h20 quand on est arrivés. La réceptionniste nous a offert du thé, comme si on venait acheter un cercueil pour un proche. Beswick, lui, mentait en continu, je le sentais comme un battement faux dans une poitrine malade. Larry a repéré la camionnette, puis les traces de pneus : les mêmes qu’à la ferme de Silas Patterson. Le même motif, la même saleté. Ça c’est tendu. Quand Beswick a sorti son flingue, j’ai levé le mien. Deux hommes en joue, dans une pièce où les morts attendent en silence… ça aurait pu mal tourner. Finalement, on a quitté les lieux vivants. Mais c’était louche.
Joseph, lui, n’a pas tenu. Trop d’horreur pour son esprit de professeur. Il est rentré, tandis que Larry et moi allions étourdir nos nerfs au Sanglier Fumant. Quand Joseph nous a rejoint plus tard, sa voix vibrait d’un étrange mélange de peur et de détermination. Le juge Braddock lui avait parlé longuement. Une piste : le Montana. L’Académie du Mardi Soir. Un certain Dimitri Passelov. Rendez-vous le lundi à 17h chez Braddock.

17h30. Ensemble, on a assemblé les pièces du puzzle :
Quelqu’un a envoyé à Philip Baxter une caisse de noix de coco depuis les îles Andaman (sa fille Cynthia ? j’espère pas).
Dans cette caisse se trouvait une araignée préhistorique.
Cette créature l’a mordu, l’a plongé dans un coma profond.
Et le lendemain, Silas Patterson a fait livrer son corps par Alvin Beswick pour lui dévorer le cerveau.
Mais Philip s’est réveillé pendant le rituel de cannibalisme… Je crois que c’est à ce moment que la folie s’est assise à notre table. On a voulu en avoir le cœur net.

Dimanche, 19h00. Cimetière de Swan Point.
On a pris du matériel et à 21h on a commencé à creuser. La terre était lourde. Le silence encore plus.
Quand le cercueil s’est ouvert, j’ai vu l’horreur figée : Le crâne trépané. La cervelle pendante. Et surtout : la marque de l’araignée dans le cuir chevelu. On a refermé en vitesse.
Minuit. Joseph tremblait. Larry a vacillé : sa santé mentale s’est fendue comme du verre. Et moi… j’ai senti la mort rôder derrière moi, comme une compagne fidèle. Mais qu’est-ce qu’on était en train de faire…
En sortant, on a vu la camionnette d’Alvin, trois silhouettes dedans. Elle a démarré et a disparu. Je suis alors entré dans les pompes funèbres par effraction. J’en suis pas fier, mais je m’en fout. C’est là que j’ai trouvé le registre. Le nom des Walsh dessus. Un trafic de cadavres. Des disparitions. Beswick travaillait pour la mafia irlandaise. Bordel.

1h30 du matin. On dort tous chez Joseph.
Pendant la nuit, les rêves sont revenus. Je me suis vu prisonnier d’une toile gigantesque. Une araignée monstrueuse, au visage presque humain, avançait en m’appelant… cherchant sa fille perdue. Une vision qui vous retourne l’âme. Joseph aussi a rêvé. Exactement du même cauchemar. Sauf que pour lui, l’araignée était Philip Baxter et il appelait sa fille Cynthia. Comme si le défunt avait réussi à nous envoyer un message… à travers ce rêve partagé. Comment expliquer ça ? Je ne peux pas. Pas encore.
Les vivants fuient leurs fautes et les morts réclament justice.
Un croque-mort armé, des pneus qui mentent, et les ombres qui nous observent.
On a creusé un cercueil pour y trouver l’horreur encore tiède.
Et dans le silence de minuit, j’ai compris que personne ne repose vraiment en paix.
Larry Cleth
Lundi 10 mai, 5h00 du matin.
Je me suis réveillé avec la tête lourde, le goût du whisky encore collé à la langue, et cette sensation qu’on avait franchi une frontière invisible pendant la nuit. Celle qui sépare les faits divers… de l’indicible.

Joseph n’allait pas bien. Les yeux rouges, le souffle court. Il m’a dit qu’il allait prendre congé de l’université jusqu’à l’été. Je ne l’ai pas contredit. Entre les rêves qui le poursuivent et ce qu’on a vu à Swan Point, il avait l’air de quelqu’un qui veut sauver ce qu’il lui reste de lucidité avant qu’elle ne parte en fumée.
Elias, lui, s’est effondré sur le canapé. Il avait besoin de repos, d’un truc pour retenir sa tête au-dessus de l’eau, même si je ne suis pas sûr que les morts aient encore besoin de dormir. Etait-il bien vivant ou était ce un cadavre ambulant ? Je l’ai laissé là, comme un fantôme qui essaye de ressembler à un vivant.

Alors je suis parti au journal. Personne ne pose de questions à un journaliste qui arrive trop tôt : on croit toujours qu’il a un scoop. Et pour une fois, j’en avais peut-être un. Mais jamais je ne raconterai ce qui s’est passé ces dernières heures. J’ai fouillé les archives, retour de manivelle dans les vieux tiroirs métalliques. Deux articles m’ont sauté au visage : un témoignage sur une drôle de lueur dans le Montana il y a un mois, quelque part près de Garrison. Coïncidence ? je ne pense pas. Une météorite tombée à Arkham, quelques jours auparavant. Deux histoires étranges, trop éloignées pour être liées, trop similaires pour être ignorées.
Au même moment, Elias était chez le Docteur Walters. À son retour, il m’a dit avoir questionné le médecin sur Cynthia Baxter et cette morsure mystérieuse. Rien d’utile, malheureusement.

17h00. Rendez-vous chez le juge Braddock
Le juge nous attendait, raide comme un mémorial. Il nous a écoutés raconter nos dernières 48 heures. Les rêves, le cadavre trépané, Beswick, la mafia Walsh, l’araignée. Il n’a jamais sourcillé, ce qui m’a mis encore plus mal à l’aise. Peut-être qu’il en sait plus que ce qu’il nous fait croire ?
Puis il a posé devant nous un dossier épais, ficelé comme une confession. « Vous devez aller à Garrison », qu’il a dit. Remettre des papiers d’héritage à un certain Dimitri Passelov, survivant de l’Académie du Mardi Soir. Son regard disait qu’on allait surtout transmettre autre chose qu’un héritage. Un avertissement, peut-être.

Mardi 11 mai. Départ.
Nous avons pris le train au petit matin. Un long trajet, très long, le genre qui laisse les pensées tourner en rond comme des vautours. Joseph lisait le Livre d’Eibon tout du long. Il avait l’air absorbé, mais pas par les mots, par quelque chose entre les lignes. À chaque page tournée, je le voyais descendre un peu plus bas, dans un endroit où l’humanité ne devraient jamais mettre les pieds. Elias restait silencieux. Je crois qu’il avait peur de s’écouter respirer.

Dimanche 16 mai. Garrison, Montana, 8h00.
On est arrivés après un voyage qui ressemblait plus à un exil qu’à une mission. Garrison : deux rues, trois commerces, deux cents âmes qui regardent les étrangers comme des fantômes. On a pris une auberge pour trois nuits. Au magasin général, un type nommé Hank Buffington nous a fourgués tout ce qu’il avait : fusils, munitions, tentes, couvertures. Il nous a même loué des chevaux, avec un sourire qui disait qu’on ne reviendrait peut-être pas les rendre. On a passé l’après-midi à apprendre à tirer et à monter :
Joseph s’accrochait à son fusil comme à un livre sacré.
Elias montait à cheval comme s’il avait déjà fait ça dans une autre vie.
Moi, je me contentais de viser. J’avais soif.

L’observatoire de l’Académie du Mardi Soir se trouvait loin dans les montagnes. À un endroit où les routes cessent d’être des routes… et où les cartes commencent à mentir. On partirait le lendemain, à l’aube.
L’aventure continue… du moins, si notre santé mentale tient encore le coup… et à bientôt !
Depuis Swan Point, j’ai compris une chose : parfois, ce ne sont pas les morts qui reposent sous terre… mais les mensonges.
Beswick avec sa mafia, Patterson avec son garage ensanglanté… Si c’est ça Providence, j’aimerais bien qu’on change le nom de la ville.
Quand on a déterré Baxter, j’ai su que j’allais mal dormir. Mais c'est les autres qui ont trinqué... tant mieux pour moi.
Le Montana, les rêves, les araignées… Je ne sais plus si je suis en train d’écrire un reportage ou mes dernières volontés.
Vous voulez connaître la suite ? C’est par ici !
Sources des images et photos (sauf mention) : Chaosium et Editions Sans-Détour

Une réflexion sur “L’appel de Cthulhu… histoire d’une campagne 6 : La Vérité”