L’appel de Cthulhu… histoire d’une campagne 4 : La Rencontre

Attention : ce récit est un spoil complet de la mythique campagne sur Azathoth…
Vous voilà prévenu.
Cliquez ici pour avoir le début de l’histoire.


Elias Creepy

Le 2 mai 1927, Boston.
Le téléphone a sonné avant l’aube. La voix du juge Braddock, aussi grave que le tonnerre sur la mer du Nord, m’a ramené vingt ans en arrière. Ce devait être grave, sinon un simple télégramme aurait suffit. J’ai pas posé de questions, pas besoin. Quand un homme comme Braddock vous dit que quelque chose sent la mort, vous sautez dans le premier train, même si le café est encore brûlant et la valise à moitié vide. Providence. Un nom qui résonne comme une promesse ironique pour un type comme moi.

Philip Baxter, mort d’un arrêt cardiaque. C’est ce qu’a dit le légiste. Mais quand un vieil ami vous confie qu’un homme lui a parlé de son testament quelques semaines avant de « tomber raide », ça commence à sentir autre chose que le formol. Et j’ai appris à flairer ce genre de parfum.

Philip Baxter

Le 3 mai, Swan Point.
La pluie battait les pierres tombales comme un tambour militaire. Les funérailles d’un érudit ont toujours quelque chose de trop propre, trop silencieux. J’ai vu passer les visages : Julian Baxter, le frère prêtre en fauteuil, le genre de saint qui vous juge du regard même sans pouvoir se lever ; Matthew, le chauffeur, le regard vide comme un obus creux ; Angela, la gouvernante italienne, les larmes sincères et la voix tremblante ; et puis Emmet, le fils, celui-là avait la sympathie d’un corbeau sur une carcasse.
Et autour d’eux, d’autres figures : Walters, le médecin trop sûr de son diagnostic, Patterson l’anthropologue nerveux et un administrateur de l’université, Englehardt, qui faisait semblant d’être ailleurs.

C’est là que je les ai croisés.
Larry Cleth, le journaliste. Le genre à flairer le scandale avant qu’il n’éclate, avec un sourire fatigué et des poches sous les yeux plus profondes que des tranchées. Probablement un alcoolique. Encore un… Et Joseph Gordon, professeur de littérature. L’air cultivé, soigné, poli. Mais son regard… Son regard disait autre chose. Une fissure fine, discrète, presque invisible, mais bien là. L’un cherchait la vérité pour la vendre, l’autre pour la comprendre. Moi ? Je la cherchais pour survivre.

Cimetière de Swan Point

Le 3 mai, l’après-midi.
Pendant que Larry partait jouer les rats de bibliothèque, Joseph et moi avons forcé un peu la chance du côté de l’université. Le bureau de Baxter. Rien qu’un peu de baratin, un sourire las et nous étions dans l’antre. Pas grand-chose à se mettre sous la dent… jusqu’à ce qu’un administrateur débarque. Trop curieux, trop ponctuel. Après un sermon, la bonne réputation de Joseph nous a sauvés d’une dénonciation. On est pas passé loin cette fois.

Le 4 mai.
Au matin, nous nous sommes rendus chez Julian Baxter. L’homme nous a reçus dans son vaste salon, baigné d’une lumière terne filtrée par d’épaisses tentures, tandis que son majordome, un grand type au regard vide et muet comme une tombe, Matthew qu’il s’appelle, observait chacun de nos gestes. Julian s’exprimait avec intelligence, mais ses mots transpiraient le mensonge : chaque réponse semblait mesurée, calculée. Cet homme cache quelque chose, j’en mettrais ma main à couper.

Joseph s’est ensuite chargé du docteur Walters et bien lui en a pris, il a délié sa langue et a raconté tous les soucis de santé de la famile Baxter. Pour y parvenir, pas de violence, évidemment. Joseph est de la « haute » et notre ami Walters aime ça. Intéressant. Pendant ce temps, Larry et moi avons plongé dans les archives du Providence Journal. Rien d’évident, mais assez de bizarreries autour de cette fameuse Académie du Mardi Soir (le club de je ne sais quoi de feu Philip Baxter) pour me donner des sueurs froides. Des noms par-ci par-là. Des types qui parlent d’anthropologie et de mondes disparus, ça finit rarement bien.

Bibliothèque de Providence

Le 5 mai.
Testament. Lecture. Une enveloppe pour Joseph. Des rêves griffonnés et une carte d’un pays qui n’existe pas. J’ai vu son visage se vider, comme si les lignes sur ce papier traçaient les contours de sa propre folie. Après cela, le professeur s’est enfin confié à nous. Il affirma avoir vu, dans la nuit du 2 au 3 mai, la présence fantomatique de Philip Baxter dans sa chambre, se faisant avaler la tête… Flippant… ou alors ce mec est encore plus timbré que moi. Probablement.

Le 6 mai.
Silas Patterson. Mort. Ou quelque chose qui y ressemble. Larry l’a trouvé, raide et froid, dans sa maison. Avant de partir, tremblotant, il a trouvé quelques indices intéressants. Quand il est venu nous chercher, on bossait sur cette foutue carte. Une carte d’un autre monde, disait Joseph, d’un monde oublié. Il avait ce ton, celui des types qui sentent la réalité se déliter entre leurs doigts.

La maison de Patterson, c’était un foutoir : des habits manquants, un corps trop vieux pour une mort trop récente. Moi, j’ai vu des morts, des vrais, celui-là était là depuis des jours. Pourtant, le visage, c’était bien lui. Alors comment expliquer qu’on ait parlé à Patterson trois jours plus tôt ? Joseph a trouvé un livre. Le Livre d’Eibon. Rien que le titre me donne la chair de poule. Il l’a pris. Je l’ai vu trembler en le glissant sous son manteau. Il savait que c’était mal, mais quelque chose en lui le poussait à le garder. Comme si le livre l’appelait. Moi, j’ai fumé en silence. Larry faisait les cent pas, jurant entre ses dents. On aurait dû appeler la police. Mais on ne l’a pas fait. Est-ce qu’on aurait dû brûler la maison ? Evidemment…

Je ne sais pas ce qu’on a réveillé, ni ce qu’on cherche vraiment. Mais ce soir-là, alors qu’on quittait la maison, j’ai senti quelque chose me suivre dans le brouillard. Un pressentiment, ou peut-être un souvenir. Et pour la première fois depuis la guerre, j’ai eu peur. Pas du sang, pas des balles. Non. De la vérité. Fais chier.

L’aventure continue… du moins, si notre santé mentale tient encore le coup… et à bientôt !


Le juge Braddock m’a appelé, la voix tremblante, et je suis monté dans le premier train.
À Providence, la pluie sentait la mort et la terre mouillée.
J’ai croisé Larry et Joseph, deux âmes perdues, comme moi, à creuser dans les ombres.
Depuis, chaque pas nous enfonce un peu plus dans le secret des morts.

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Sources des images et photos (sauf mention) : Chaosium et Editions Sans-Détour

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